Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

jeudi 25 novembre 2010

L'Ecluse...

     Line Renaud commence une nouvelle carrière. Tous les journaux l'annoncent.

     Je l'ai rencontrée, jadis, au café de l'Ecluse qui venait de s'ouvrir quai des Grands-Augustins à Paris. A cette époque elle se nommait Jacqueline Enté et chantait déjà.

     Je ne me souviens plus du nom du patron, mais c'était un vieux..... il avait au moins 40 ans. En soirée, les clients qui le souhaitaient pouvaient se produire sur une petite scène, au fond d'une salle tout en longueur, avec un piano fatigué. Beaucoup de grands noms de la chanson se sont ainsi fait connaître.

     Notre groupe d'étudiants musiciens se retrouvait souvent au café de l'Ecluse. Que des Nancéiens ! Je peux citer Claude Brion violoncelle, Daniel Roux flûte, Jacques Kessler clarinette, Jacky Kauff trombone, Bernard Noël et André Weber diction .... j'en oublie...

     Parmi tous ces garçons, une seule fille, qui n'était même pas Lorraine, Monique Serf, pianiste.

     Je ne sais comment elle s'est intégrée à notre groupe. C'était une fille très réservée, au doux visage toujours triste. Elle parlait peu, mais on sentait qu'elle était heureuse de se trouver parmi nous. On la faisait sourire... Nous ne lui avons jamais fait la cour... nous étions tous ses copains...

     J'ai su plus tard la raison de cette mélancolie, mais à ce moment, mes amis et moi ignorions le drame de son enfance. 

     Notre présence à l'Ecluse ne dura guère, car le café se transforma très vite en cabaret et le nouveau prix des consommations nous en interdit l'entrée, purotins que nous étions.

     Par contre, notre petite camarade Monique y retourna et en devint la vedette avant d'effectuer une brillante carrière sous le nom de.... BARBARA.

     Aujourd'hui, l'Ecluse est redevenue un café ; on n'y chante plus, un comptoir ayant remplacé la scène.

     Peut-être y reste-t-il encore le souvenir de la Dame en noir........

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