Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

samedi 23 août 2014

Le vin clairet de Moselle...

     Mon père est né au village d'Arry et, avant lui, toute mon ascendance.

     Enfant, j'allais passer mes vacances chez mes grands parents dans cette petite localité située sur un coteau dominant la vallée de la Moselle. Ma grand mère Marie tenait le café-épicerie du lieu, aidée par un de ses fils resté célibataire. Quant à mon grand père Émile, vigneron depuis plusieurs générations, je me souviens encore l'avoir vu fouler le raisin, pieds nus, dans une énorme cuve en bois.

     A Arry était cultivée une vigne très ancienne qui produisait un vin clairet renommé à des lieues à la ronde durant les XVIIIe et XIXe siècles. D'ailleurs, la récolte de 1899 fut récompensée lors de l'Exposition Universelle de Paris en 1900, ainsi que celle du village de Sainte-Ruffine. Par la suite, il fut connu sous le nom de vin gris d'Arry.

     Puis, la terrible maladie du phylloxera anéantit les vignes de mon village, comme celles des coteaux de part et d'autre de la Moselle.

     Je me souviens encore qu'un de mes oncles, avant 1940, cultivait une parcelle qui avait échappé à l'effrayante maladie, et des mémorables dégustations de ce vin gris réservées à la famille et à quelques amis, d'une récolte parcimonieuse et délectable que mon trop jeune âge ne me permettait pas d'apprécier. Quel regret...

     Aujourd'hui il n'y a plus aucun vigneron à Arry...

     Pourtant, après une longue disparition de la culture de la vigne sur ces coteaux, de jeunes et courageux viticulteurs ont entrepris la plantation de nouveaux ceps et d'anciens crus, sur les deux côtés de la Moselle. Je les ai suivis dans leurs travaux, j'ai observé leur réussite et j'ai surtout goûté et apprécié leur vin.

     Il en est un que j'avais ignoré jusqu'à maintenant, je ne sais pourquoi, juste en face de mon village d'Arry, de l'autre côté de la rivière. Depuis quelques jours j'ai corrigé cet oubli et je vous assure que je ne regrette pas ma visite à ces chais jusqu'ici inconnus, et que je vous recommande.

     A votre santé !