Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

lundi 12 décembre 2011

Le nu et le lyrique....

     Il arrive que -- dans certains rôles -- les artistes lyriques doivent se dénuder en scène. Dans Thaïs de Massenet, par exemple, au 2d acte la courtisane montre sa poitrine au moine Athanaël pour le provoquer.

     Toujours au 2d acte, mais dans La belle Hélène d'Offenbach, la reine tombe dans les bras de Pâris en laissant glisser son seul vêtement...

     Dans Salomé de Richard Strauss, la danse des Sept Voiles permet à l'héroïne de terminer son ballet.... sans aucun voile...

     Dans certaines chorégraphies du Canadien Harold Rhéaume, on voit des hommes entièrement dévêtus, alors que Maguy Marin déshabille toute sa troupe dans une de ses créations.

     L'extrême audace en ce domaine a été atteinte à Bayreuth il y a quelques années dans l'oeuvre de Wagner, Tannhauser. Au 1r acte, dans la scène du Venusberg, on a vu un homme entièrement nu, exposant une superbe érection, traverser lentement et fièrement le plateau, de la cour au jardin, au milieu de la bacchanale effrénée dédiée à la déesse Vénus.

     Le public a assez passivement accepté cette provocation du metteur en scène, sauf une vieille dame, ayant amené sa petite-fille de 13 ans à une représentation, et qui ne savait que répondre aux questions de la gamine intriguée.

     La première prima donna qui osa entrer en scène les seins nus, fut Mlle Guerin, à Paris, en 1827....

     Vous me croirez si vous le voulez, elle a été sifflée !

     Quelle goujaterie.......

dimanche 27 novembre 2011

Choeur de chiens.....

     J'ai promis de raconter certaines mésaventures non souhaitées, se produisant inopinément lors de représentations lyriques. Je n'ai pas vécu celle-ci, je l'ai lue dans un journal autrichien de l'époque.

     En décembre 1875, Richard Wagner fit représenter son Tannhaüser à l'Opéra impérial de Vienne.

     Au cours du second tableau de l'oeuvre, de retour du Venusberg, Tannhaüser, traversant la forêt du Wartburg, y rencontre le Landgraf Herman et ses chevaliers Wolfram, Walther et leur suite. Ceux-ci, revenant de la chasse, entraient en scène à cheval, suivis d'une nombreuse meute de chiens.

     En mettant pied-à-terre, l'un d'eux eut la maladresse de poser le pied sur la patte d'un des molosses, lequel écoutait pacifiquement la musique du maître.

     Hurlant de douleur, la pauvre bête fut immédiatement imitée par ses congénères et ce fut un concert de hurlements et aboiements furibonds qui ne s'acheva qu'après de très longues minutes, sous les éclats de rire du public.

     J'ignore comment on parvint à faire taire la meute, mais à la représentation suivante, elle avait mystérieusement disparue....

     Aujourd'hui, on supprime également les chevaux,... sans doute de peur qu'ils hennissent....

lundi 21 novembre 2011

L'égalité des sexes en musique.

     Périodiquement, dans la presse, il est question de la regrettable inégalité de salaire entre femmes et hommes. C'était le cas ce matin dans mon quotidien.

     Dans ma profession de musicien, ce problème n'a jamais existé...

     Lorsqu'un poste se libère dans un orchestre ou un conservatoire, un concours est ouvert, au cours duquel les lauréats interprètent sur leur instrument et derrière un paravent, les morceaux de musique imposés.

     Le meilleur instrumentiste est admis par le jury, quelque soit son sexe. Comme le montant du traitement est indiqué au préalable sur l'avis de concours, il est automatiquement appliqué au lauréat reçu, homme ou femme.

     Aujourd'hui, dans les orchestres, l'équilibre des genres existe dans tous les pupitres. Mais je me souviens qu'à mon arrivée à Metz en 1950, il n'y avait que trois femmes à l'Orchestre du Conservatoire, alors qu'à l'orchestre de la Radio de Sarrebruck, il n'y en avait aucune, même pas à la harpe.

     Par contre, à mes débuts à Nancy, il existait déjà une certaine parité parmi les cordes. Un peu plus tard, dans ce même orchestre, tous les violonistes était des femmes,.... sauf Lionel.

     Je tiens à vous rassurer, il ne gagnait pas moins que ses partenaires féminines.....

lundi 14 novembre 2011

Encore une histoire de cloches

     Hier soir, sur Arte, j'ai écouté et admiré un remarquable harpiste. J'ai bien dit "un". On est habitué à ne voir derrière cet instrument éolien, que de "jeunes personnes", comme on disait jadis pour désigner des demoiselles. Si bien qu'aujourd'hui, entendre un homme s'exprimer sur une harpe nous semble extravagant.

    Il se nomme Xavier de Maistre, est soliste au Philharmonique de Vienne, et joue divinement de son instrument.

     Comme pour la profession des secrétaires, la gent féminine a investi celle des harpistes, alors que pour l'un et l'autre de ces états, au XIXe siècle, il n'y avait que des hommes.

     L'un de ces harpistes du siècle avant-dernier, fort célèbre dans toute l'Europe, avait pris l'habitude de se produire à Metz entre 1849 et 1861. Il obtenait toujours un grand succès, surtout lorsqu'il jouait son oeuvre très populaire "La danse des Sylphes". Il s'agit de Félix Godefroy (1818-1897), également compositeur et de nationalité belge.

     Moderne, il jouait sur une harpe chromatique.

     Le 22 février 1856, dans le grand salon de l'Hôtel de Ville de Metz, tandis qu'il interprétait sa pièce orientale "Le réveil des Fées", l'horloge de la ville se fit entendre. D'habitude on stoppait le mécanisme lorsqu'il y avait concert...

     Par un hasard extraordinaire, la cloche municipale était dans la tonalité du morceau. Godefroy alors, très habilement, adapta son tempo à celui de l'accompagnement inattendu.

     Malheureusement, une modulation obligea le virtuose à interrompre son jeu pendant un court instant, pour éviter des frottements harmoniques trop cacophoniques. Tout cela au milieu des sourires de l'assistance.

     Godefroy donna un second concert le 27 février, mais sans le carillon..... Dommage.....

lundi 31 octobre 2011

La mémoire revenue....

     Depuis quelques semaines je n'évoque plus mes souvenirs. Peut-être pensez-vous que je n'en ai plus.... que je les ai définitivement oubliés....

     Non, le temps me manque , tout simplement.

     Plus les ans passent, plus je suis sollicité pour effectuer des travaux de recherches liés à mon état de musicologue, de crainte sans doute, que je m'en aille avant d'avoir vidé mon sac mnémonique ou ma boite à Pandore (sans l'Espérance). Et je n'ai plus le temps de me remémorer mes jeunes années.....

     Pourtant, depuis un mois, des événements ont fait émerger dans ma mémoire figée, des amis de naguère, oubliés, des actes éphémères sortis de mon esprit depuis longtemps. Je me suis aperçu récemment que des noms perdus pouvaient resurgir brusquement, en un instant aussi fugace qu'inattendu.

     Ainsi, à l'Académie Nationale de Metz, mon confrère Ferdinand Stoll a prononcé récemment une communication sur le Théâtre du Peuple de Bussang. Pendant qu'il parlait, des images défilaient dans ma tête et lorsqu'il évoqua la fosse d'orchestre que Maurice Pottecher avait fait construire vers 1929, il y eut un déclic dans ma mémoire.

     C'est durant l'été de 1948, chaque dimanche, qu'avec quelques amis de la classe de musique de chambre du conservatoire de Nancy, nous fûmes engagés au Théâtre du Peuple pour interpréter des quatuors entre les actes et les tableaux de la pièce de Maurice Pottecher, jouée et mise en scène par Pierre Richard-Wilm, avec Edwige Feuillère.

     J'ai retrouvé le nom de cette comédie :"Mélusine et son mystère". Nous intervenions souvent, car cette pièce est écrite en 3 actes et 10 tableaux. Plusieurs amis de la classe de diction jouaient également sur scène, André Weber, Yvon Prévot et surtout Jacques Maginot, lequel fera partie de la troupe pendant plusieurs décennies.

     Je me souviens de mon émoi en rencontrant Pierre Richard-Wilm, héros du film Le Comte de Monte-Christo, qui avait tant bouleversé mon enfance. Mon émoi se transforma en admiration lorsque je l'entendis jouer au piano : c'était tout simplement sublime. Quel artiste ! oublié lui aussi...

     Merci, Monsieur Ferdinand Stoll d'avoir ainsi ravivé des souvenirs perdus !

mardi 13 septembre 2011

Ce qui se passa à Metz ce jour-là....

     Plusieurs journaux, dont le Républicain Lorrain, ont demandé à certains de leurs lecteurs, ce qu'ils faisaient le 11 septembre 2001, au moment du lâche assassinat de New-York.

     On ne m'a rien demandé, mais je vais néanmoins le dire.....

     L'après-midi du mardi 11 septembre, je suis allé à l'Arsenal pour saluer Emmanuel Krivine, que je n'avais plus rencontré depuis quelques années. L'ancien directeur de la Philharmonie de Lorraine dirigeait ce soir-là, l' Orchestre Français des Jeunes, avec en soliste, Jean-Yves Thibaudet. Ne pouvant m'y rendre, je suis allé assister à la répétition.

     A la pause, je me suis approché du chef d'orchestre, lequel, en m'apercevant, s'exclama avant même de me saluer : "Ah! Monsieur Rose ! Vous connaissez les Twin Towers ? Et bien elles n'existent plus ! Elles ont été anéanties !...." Il était bouleversé.... Je n'avais jamais vu Emmanuel Krivine ému à ce point....

     Il avait appris l'événement à la radio, dans sa voiture, en se rendant à l'Arsenal. C'est lui qui m'a révélé l'horrible nouvelle que je ne connaissais pas encore....

     J'ai su que le concert du soir fut remarquable, avec la Symphonie fantastique et le concerto de Ravel.

     Cela n'a rien à voir avec ce drame, mais savez-vous que l'avant-veille, dimanche 9 septembre, le célèbre mezzo-soprano Karine Deshayes a remporté au Théâtre de Metz, le 1r Prix du Tournoi international des Voix d'Or, prélude à la brillante carrière qu'elle effectue aujourd'hui, dont l'apogée fut la Victoire de la Musique classique 2011 ?

    

lundi 15 août 2011

Lohengrin trahi à son tour...

     Hier soir j'ai voulu écouter et voir Lohengrin à la télévision. Quelle déception.....

     J'ai toujours cru que cet opéra était un drame mystique que j'ai admiré jadis à Bayreuth, dans une mise en scène de Wieland Wagner ; mais monsieur Hans Neuenfels m'a démontré que j'avais tort, et avec moi d'innombrables admirateurs de Richard Wagner.

     Ce metteur en scène est certainement un être supérieur, pour se permettre de corriger ainsi l'oeuvre géniale du compositeur allemand ; ou bien est-il un créateur au talent incommensurable.... mais alors pourquoi ne produit-il pas ses propres chefs-d'oeuvre au lieu de dénaturer ceux des autres ?

     Lorsque, en août 1972, j'ai interviewer Wolfgang Wagner, petit-fils de Richard, pour le Républicain Lorrain, je lui avais posé cette question :

     Votre conception scénique du Ring, après avoir étonné le monde, n'a-t-elle pas relancé les interprétations de la pensée de Richard Wagner ?


     Le directeur du Festspiel de Bayreuth m'avait répondu :

     Richard Wagner a expliqué toute sa mise en scène dans ses ouvrages. Mais il ne faut pas se contenter de lire les mots, il faut envisager les idées de base de la parole du compositeur.


     La conception scénique de Wolfgang se plaçait dans l'esprit du créateur, utilisant adroitement la lumière, les projections et le mécanisme moderne des  transformations visuelles, tout en respectant l'aspect des personnages, leurs gestes et leur action.

     Son frère Wieland avait agit de même avec son Lohengrin quelques années auparavant.

     Monsieur Hans Neuenfels transforme tout : les personnages, dont certains deviennent clownesques ; il caricature les choeurs en les affublant de costumes carnavalesques représentant de gros rats dont on se demande ce qu'ils font là, et utilise un gestuel sans rapport  avec l'action première de l'oeuvre.

     Et, pour couronner le tout, que vient faire cet horrible foetus remplaçant le jeune duc de Brabant à la fin de l'oeuvre ?

     Chereau m'a fait fuir Bayreuth, ce n'est pas Neuenfels qui m'y ramènera......

    

    

lundi 8 août 2011

Le Caveau des Trinitaires.....

     Ce matin, j'ai retrouvé une grande enveloppe emplie d'anciennes coupures de presse.

     Parmi elles, un article du RL du jeudi 6 juillet 1972 m'a rappelé l'inauguration du Caveau des Trinitaires par son nouveau directeur, Pierre-Frédéric Klos, laquelle s'était déroulée la veille ou l'avant-veille.

     Pierre-Frédéric avait prévu, pour l'occasion, une partie musicale et une pièce de théâtre, adaptées toutes deux à cet endroit bien particulier, un mur romain dans la descente d'escalier et une cave voûtée un peu plus tardive...

     Animateur de l'Ensemble dramatique de Metz, il choisit de représenter "Il était une fois un bourreau", pièce peu connue du surréaliste René Laporte. Ce conte intemporel et sans âge s'accommoda fort bien des costumes Renaissance portés par les acteurs.

     Pour la partie musicale qui devait débuter la soirée, Pierre-Frédéric pensa au nouveau groupe de musique du Moyen-Âge et de la Renaissance que j'avais créé l'année précédente, au sein de mon ensemble Les Instruments Anciens de Lorraine.


     Cette formation regroupait quelques-uns de mes élèves, des amis, dont un Nancéien. Pour eux j'avais acquis des flûtes à bec, des cromornes, même des costumes ; le facteur d'orgues Haerpfer m'avait construit un instrument positif à tuyaux de 36 notes, sur un modèle ancien, et que je possède encore.....

     Mes jeunes disciples étaient emplis d'enthousiasme devant le succès qu'ils remportaient grâce à leur talent. Quelques jours auparavant, ils avaient interprété le "Mystère de Saint-Fiacre" sur le parvis de la Cathédrale de Metz et dans la cour de l'Evêché de Meaux, avec le Madrigal d'Ile-de-France de Hélène Henriet et Jean-François Fabe, et la semaine suivante nous partions pour une tournée de quinze jours en Haute-Franconie.

     Entre temps nous avons inauguré le Caveau des Trinitaires de Metz......

     Par la suite, la rencontre de Pierre-Frédéric Klos et de Jean-Roger Caussimon a donné une autre direction à la programmation du Caveau et promu celui-ci à une notoriété internationale. La présence à Metz des "grands" de la chanson française intelligente a donné raison à celui qui fut lamentablement abandonné en 2003....... et en mourut peu de temps après.....

     Mais soyons joyeux, la musique ancienne revient aujourd'hui au Caveau des Trinitaires avec le talentueux Concert Lorrain.  Alleluia !


  

lundi 25 juillet 2011

La musique contemporaine à Metz.

     Acanthes va probablement quitter Metz, si on en croit la presse locale. C'est dommage.....

     Avez-vous remarqué que dans le domaine de la musique d'aujourd'hui, à Metz, les initiatives courageuses sont vouées, à brève échéance, à une rapide dissolution ?

     Souvenez-vous de Connaissance de la musique contemporaine de Léon Oleggini dans les années 60, qui ne vécut, hélas, que peu de temps, malgré l'énergie volontaire de son fondateur, faute de soutien.

     La palme de longévité revient indubitablement à Claude Lefebvre, dont les Rencontres internationales de Musique contemporaine de Metz, commencées en 1972, se terminèrent misérablement en 1992. C'est un record ! C'est surtout la preuve qu'à Metz, les mélomanes et d'autres curieux, s'intéressent à la création musicale.

     Nombreux sont ceux qui ont mêlé leur tristesse à celle des fondateurs lorsque les édiles de la ville décidèrent, en plein succès international, de supprimer ce joyaux culturel, fierté de la ville de Metz.

     Lorsque Claude Lefebvre a élaboré le programme des Premières Rencontres, il était seul avec son épouse Inge, pour penser aux problèmes de tous ordres liés à une organisation de cette importance.

     Le voyant se débattre (seul je le répète) face à des situations matérielles absorbantes qui risquaient de le déstabiliser, et fort de mon expérience de responsable artistique des Nuits de Chévremont, je lui proposai mon aide dans l'organisation pratique des manifestations envisagées, concerts et conférences.

     Il accepta avec reconnaissance et soulagement ; il put ainsi consacrer tout son temps au domaine scientifique et artistique du festival.

     En présence de Boulez et de Stockhausen, ces Premières Rencontres remportèrent un succès indubitable, digne, alors, de celui de Royan, qui n'avait pas encore sombré.

     L'année suivante, pour préparer les Secondes Rencontres, Claude Lefebvre me demanda de m'occuper à nouveau de la régie. Bien évidemment, j'acceptai...

     A partir de la troisième année, et les suivantes, Claude ne me demanda rien...., ma présence était devenue normale, naturelle...., et jusqu'aux 20me Rencontres, mon nom figura au bas des programmes, suivie de la mention : régisseur général.

     Je ne m'en suis jamais plaint, car à ce poste secondaire, j'ai pu accompagner les plus grands compositeurs de notre temps, dont certains sont devenus des amis, en participant, modestement, à la création de nombreux chefs-d'oeuvre.

     J'espère que parmi la nouvelle génération un amateur de musique messin relèvera à son tour un défi de longévité en élaborant une fondation pouvant fournir aux habitants qui le souhaitent, la possibilité  d'entendre en priorité, dans un art si ancien qu'est la musique, les nouvelles créations  de nos jeunes et talentueux compositeurs.

     En attendant, consolons-nous avec Ionesco : Seul l'éphémère dure.....

samedi 9 juillet 2011

Mes débuts à Radio-Nancy.

     Ce matin, comme chaque jour, je fus réveillé par France Musique.

     Mais aujourd'hui, un nouveau présentateur a proposé des chansons de variétés dont certains interprètes frôlaient la justesse au quart de ton.  Et il nous a promis un programme semblable pendant quatre z'émissions....

     J'ai alors pensé à ce début d'année 1945, lorsque, avec quelques amis, nous avons créé Radio-Nancy dans un studio de fortune, à l'aide de matériel américain.

     Imaginatifs, Jacques Campain et Michel Guillet animaient des émissions nouvelles  très variées, en compagnie de Marthe Hornus, Colette Navel, puis Paulette Sérault.

     Chargé des émissions musicales, je fis appel à mes amis du Conservatoire, Monique Vincent, piano, Daniel Roux, flûte, Jacky Kessler, clarinette, Irène Maugué, soprano, pour ne citer qu'eux.....

     Marcel Dautremer lui-même nous aida dans le choix des oeuvres. Amusé, notre directeur encouragea mes projets et son aide me fut précieuse, car je manquais d'expérience.

     Sans vouloir me vanter, notre jeune enthousiasme nous permit de diffuser des concerts de musique de chambre assez remarquables, et ... en direct.... on n'enregistrait pas encore à ce moment....

     Pour moi, cette aventure merveilleuse ne dura guère. Une loi nationalisant les radios privées, ceux d'entre nous qui étaient majeurs furent engagés comme fonctionnaires ; ce ne fut pas mon cas, j'avais 16 ans.... Je poursuivis néanmoins mes émissions pendant quelques années.

     Ce jour-là, je me souviens avoir regretté de n'être pas plus âgé.... Aujourd'hui ce serait plutôt le contraire.......

mardi 21 juin 2011

La musique adoucit les moeurs......

     C'était au cours d'un concert de l'Orchestre du Conservatoire de Nancy, donné salle Poirel durant la saison 1948-49. J'étais au pupitre d'alto.

     Marcel Dautremer, le directeur, avait prévu pour ce jour-la, une séance entièrement consacrée à Jean-Sébastien Bach.

     La salle était comble, et le programme, fort alléchant, se terminait par la Toccata et fugue en ré mineur, oeuvre pour orgue, richement orchestrée par Léopold Stokowski. Cette pièce était très populaire en France, depuis la sortie, fin 1946, du film d'animation de Walt Disney, Fantasia.

     Auparavant, on devait interpréter la Cantate du Café, pour laquelle Marcel Dautremer avait conçu une nouvelle orchestration, peut-être trop chargée, avec force cuivres, imitant ainsi celle de Stokowski. L'oeuvre n'était pas de la même envergure que la Toccata, l'instrumentation originelle de Bach étant très légère (une flûte, cordes et basse continue).

     Une partie du public n'apprécia pas cette originalité et, après l'exécution, on entendit quelques sifflets mêlés aux applaudissements. Puis brusquement, une voix forte s'éleva de la salle :

     "Nous sommes venus ici entendre du Bach, pas du Dautremer !"

     L'homme qui proférait cette interpellation était debout à sa place au parterre, le visage cramoisi de colère.

     Alors, le fougueux et jeune chef d'orchestre descendit de son pupitre, gagna les coulisses, puis, laissant sa veste d'habit entre les mains d'un appariteur, emprunta le déambulatoire. Il entra dans la salle, rejoignit le perturbateur imprudent, et le saisissant par derrière, une main au col l'autre à la ceinture, le sortit littéralement du parterre en le poussant énergiquement vers la sortie, jusque sur le trottoir de la rue Poirel !

     Ensuite, apparemment calmé, Marcel Dautremer remonta sur son estrade après avoir remis sa veste, sous une salve d'applaudissements comme je n'en avais encore jamais entendus en ce lieu.

     La Toccata qui suivit fut un triomphe...   Il y eut même un bis...

     J'ai ouï dire, car je n'étais plus présent, que les autres concerts de la saison eurent beaucoup de succès..... et qu'une place restait curieusement inoccupée.......au parterre.

  

  

mercredi 15 juin 2011

Mes premières baguettes.....

   Un jour de 1945, lorsque j'entrai dans la classe d'alto du conservatoire de Nancy, Gaston Stoltz me dit :

   "Gilbert, il faut que tu me dépannes pour le prochain concert de l'orchestre, le timbalier vient de partir !"


     J'objectai timidement que je ne connaissais pas cet instrument, mais mon professeur balaya ma remarque d'un geste de la main, pour lui, c'était chose réglée...

     Il s'agissait d'un concert du grand orchestre du Lycée Henri-Poincaré de Nancy, que Gaston Stoltz devait diriger deux semaines plus tard !.... et où j'occupais depuis peu une place au pupitre d'alto.

     Dès le lendemain, j'allai dans la salle de répétition et m'approchai des deux timbales, auxquelles, jusqu'à ce moment, je n'avais pas vraiment prêté attention. Elles m'apparurent insolites, comme deux gros chaudrons en cuivre posés sur des tréteaux, et recouvertes de peaux de veau, sur lesquelles on frappait avec deux baguettes.

     Disséminées autour de la circonférence, des clés en forme de T, permettaient d'accorder l'instrument grâce à une tension plus ou moins importante de la peau.

     Tout cela était facile à comprendre....... en théorie. J'y travaillai tous les jours jusqu'à la date du concert. Dieu merci, les morceaux du programme n'exigeaient pas de changements d'accord rapides.

     Il y avait aussi une paire de baguettes pour frapper sur les peaux. Leur incongruité ne m'étonna pas, n'en ayant jamais vu de ma vie.

     Chaque baguette était formée d'une baleine de parapluie, très souple, avec une poignée en bois d'un côté, et un cylindre de feutre dur enfoncé à l'autre bout. Lorsque je levais les baguettes pour frapper la peau, elles se courbaient dangereusement avant d'entrer brutalement en contact avec l'instrument.

     Le jour du concert, tout se passa bien jusqu'au dernier morceau. Celui-ci commençait par un roulement de timbale fortissimo. Je levai mes baguettes, et, juste avant l'impact, un des deux embouts de feutre dur, entraîné par la flexibilité d'envergure de la baleine, se détacha et partit à la vitesse d'un boulet de canon, pour terminer sa trajectoire au milieu du public de la salle Poirel !

     Je dus terminer le morceau avec une seule baguette, comme le timbalier de la Garde Républicaine à cheval.

     Je n'ai jamais retrouvé mon embout de baguette, et personne, dans le public, n'a porté plainte pour agression .......

     Tout de même, en ce temps-la, les mélomanes nancéiens étaient stoïques..... ou alors ma baguette était peut-être magique.....

jeudi 2 juin 2011

Mon premier cachet....

     Le 26 mai 1944, Philippe Pétain vint à Nancy et on sait qu'il y fut bien accueilli. Curieusement, la foule était aussi enthousiaste quatre mois plus tard, lors de la visite du général de Gaulle.

     Mais, comme le disait à l'époque le chansonnier Noël-Noël, ce n'était sûrement pas les mêmes....

     Lors de la réception de Pétain à l'Hôtel de Ville, l'Orchestre du Conservatoire fut pressenti pour exécuter  quelques morceaux appropriés et l'incontournable Maréchal nous voilà !


     Le directeur Alfred Bachelet étant décédé le 10 février précédent, ce fut mon professeur Gaston Stoltz qui dirigea l'orchestre, et me demanda de le remplacer au pupitre d'alto.

     Nous étions installés sur la galerie qui surplombe le Grand Salon, côté ouest. De cet emplacement, on a une vue plongeante sur l'ensemble du salon, et je pus ainsi observer le déroulement de la cérémonie, très banale, discours et rafraîchissements. Mais pour moi c'était la première fois......

     Je croyais que ma participation à cette cérémonie était bénévole, comme pour les Concerts du Conservatoire donnés salle Poirel.

     Pas du tout ! Mon professeur m'avait inscrit sur la liste des musiciens supplémentaires rétribués. Comme je l'ignorais, je ne suis pas allé chercher mon gain.

     Il me fut envoyé plus tard, sous forme de mandat : 14 fr. 50 (15 fr. moins les frais d'envoi). Ce fut mon premier cachet de musicien.... grâce au maréchal Pétain....

     Il ne faut pas m'en tenir rigueur, car le 27 septembre suivant, j'ai encore gagné 15 fr., grâce, cette fois, au général de Gaulle.............. Mon 2d cachet.......

  

lundi 16 mai 2011

Lyrique franco-belge....

     Le nouveau directeur du théâtre de Metz pour la prochaine saison se nomme Paul-Emile Fourny, et nous vient, paraît-il, tout droit du Théâtre de la Monnaie de Bruxelles.

     Ce n'est pas la première fois que les scènes messine et belge échangent ainsi leurs dirigeants.

     De 1728 à 1731, le théâtre de Metz, situé en Nexirue dans l'ancien Jeu de Paume, fut dirigé par Marie-Anne Dujardin ; eh oui ! une femme déjà...... en art on n'est pas sexiste.....

     Il faut ajouter que c'était la première dame à occuper une telle charge. Elle venait de Bruxelles, où elle avait assumé la direction du fameux Théâtre de la Monnaie de 1724 à 1727 ; elle y avait engagé la Camargo, célèbre danseuse du moment.

     Marie-Anne Dujardin eut une destinée fabuleuse. Elle serait née à Eslinnes-au-Mont (Belgique) le 4 mars 1678, ou à Lille en 1680. Débutante à l'Académie Royale de Musique de Paris en 1704 comme chanteuse lyrique, elle obtint des rôles de plus en plus importants jusqu'en 1711.

     Elle partit alors subitement pour Rouen puis Bruxelles (déjà), mais revint en France et dirigea le théâtre de Rennes en 1718, dans un Jeu de Paume comme à Metz.

     De 1721 à 1723, elle fut directrice de l'opéra du Voorhout à La Haye, en concurrence avec Jean Francisque. Après la Monnaie et le théâtre de Metz, elle partit pour le sud de la France, Avignon, Toulouse, Marseille, etc..., où elle dirigea successivement plus de dix théâtres lyriques dans lesquels elle laissa un grand nombre de souvenirs artistiques.

     Le 11 mai 1737, elle inaugurait le célèbre Capitole de Toulouse nouvellement construit, avec une merveilleuse façade de Guillaume Cammas.

     En 1746, cette artiste infatigable est à Lyon avec sa troupe, puis elle disparaît et n'apparaît plus dans mes recherches....

     A Metz, elle fut remplacée, en 1731, par Guillaume Robart, lequel engagea la troupe lyrique de François Moilin dit Francisque (aucun lien de parenté avec Jean), qui dirigea la Monnaie de 1733 à 1734. (Il fut aussi directeur du théâtre de Nancy).

     Le successeur de ce dernier, Jean-Richard Leroux dit Durand, directeur à Metz de 1733 à 1735, avait lui aussi dirigé la Monnaie en 1730. Curieux, non ?

     A l'heure où l'on pense à une union des théâtres de Metz et de Nancy, on pourrait peut-être songer à inclure dans ce regroupement le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles.....

     Bonne idée, ne trouvez-vous pas ? ...... une fois.......

  

samedi 30 avril 2011

Ô Trimazo...

     Hier matin, j'ai reçu un appel téléphonique de Lucille, petite-fille d'un couple que j'ai fort bien connu à Metz, au cours des années 50. Elle recherchait une chanson célébrant le joli mois de Mai.

     Alors, je me suis souvenu que, lorsque j'étais enfant en vacances chez mes grands parents à Arry, le premier dimanche de mai, les jeunes filles du pays chantaient le Trimazo dans les rues du village, s'arrêtant à chaque maison pour y recevoir une obole.

     Cette tradition, disparue aujourd'hui, était fort ancienne, et chaque village du pays messin possédait sa propre mélodie, sensiblement différente d'un lieu à l'autre. (Voir mon ouvrage "Les Mélodies populaires de la Lorraine", dans la collection La Tradition lorraine, aux Editions Mars-et-Mercure, 1980).


     Une de ces plus anciennes célébrations, surtout la plus connue des Messins, se déroulait à Plappeville, à la source de la Bonne Fontaine, depuis 1603. A une centaine de mètres de la source, se trouvait une petite chapelle où, le 1r mai de chaque année, un prêtre venait dire la messe au cours de laquelle on chantait le Trimazo.

     Il était d'usage d'en faire la convocation la nuit précédente, au son des trompes, dans tous les quartiers de Metz.

     La chapelle fut détruite par les Croates en 1638, mais l'usage d'aller à la Bonne Fontaine le 1r mai se poursuivit longtemps encore.

     Aujourd'hui on ne chante plus le Trimazo, mais on offre du muguet.

     Ces deux traditions étant aussi anciennes l'une que l'autre, pourquoi pas..... mais je regrette néanmoins la vieille chanson...

mercredi 27 avril 2011

Coup de théâtre....

     Lors d'un précédent billet, j'avais promis de raconter d'autres avatars théâtraux dont j'avais été le témoin. Je me souviens d'une représentation à Nancy, en 1945-46, de l'opéra de Saint-Saens, Samson et Dalila.


     Vous connaissez le sujet : Samson conduit l'armée des Israélites contre les Philistins. Il est pourvu d'un physique puissant et tire sa force herculéenne, paraît-il, de la longueur de sa chevelure. Nul ne peut le vaincre. Une Philistine, Dalila, le séduit et le pousse à dévoiler son secret.

     Après une nuit d'amour, alors que Samson s'est endormi, elle lui coupe les cheveux, le privant ainsi de ses moyens de défense. Fait prisonnier par ses ennemis, il est condamné à tourner une meule après qu'on lui ait crevé les yeux.

     Au second tableau du 3me acte, Samson est enchaîné entre deux énormes colonnes du temple de Dagon, pendant que les Philistins fêtent leur victoire par une bacchanale effrénée. Mais depuis que Samson a été fait prisonnier, ses cheveux ont repoussé. Aussi, dans un suprême effort, il tire à lui ses chaînes reliées aux piliers, lesquels s'effondrent avec fracas sur les Philistins, entraînant la ruine du temple et l'écrasement de tous les ennemis des Israélites.

     Auparavant, Dalila vient défier le héros qu'elle a trahi, en s'appuyant nonchalamment à l'une des colonnes.

     Je ne sais comment, aujourd'hui, on met en scène ce tableau. Ce jour-là, le réalisateur avait imaginé de construire les piliers avec d'énormes cylindres en polystirène superposés, au centre desquels on descendait une longue tige métallique destinée à consolider la structure, et qu'on retirait le moment venu.

     J'ignore pourquoi l'une de ces tiges avait été enlevée trop tôt. Lorsque la frêle Dalila toucha cette colonne fragilisée, elle s'effondra tout naturellement devant l'air ahuri de la malheureuse diva.

     Evidemment, il fallut baisser le rideau, réparer les dégâts avant de pouvoir admirer la fameuse bacchanale dansée par le corps de ballet de Andrée Conte.

     Ensuite la fin de l'ouvrage se déroula comme prévu, sans autre anicroche.

    

mardi 12 avril 2011

On a oublié l'essentiel....

     Le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d'Histoire, a organisé un colloque concernant Pierre Messmer. Cette rencontre s'est déroulée à Metz la semaine dernière. Absent de la région, je n'ai pu y assister et j'en suis navré.

     Je regrette particulièrement l'intitulé des débats : "Au croisement du militaire, du colonial et du politique", en oubliant le littéraire, l'humaniste, le double académicien (Académie des Sciences Morales et Politiques en 1988 et Académie Française en 1999), et bien sûr, le Chancelier de l'Institut de France.

     Ce dernier titre surtout, le situe à un niveau intellectuel non pas "entre deux personnalités écrasantes, Jacques Chaban-Delmas et Jacques Chirac" (RL du 8 avril 2011), mais nettement au-dessus de ces deux hommes politiques, malgré tout le respect que j'ai pour eux.

     L'universalité de Pierre Messmer, ne peut se comparer à des spécialistes politiques dont la philosophie est purement intuitive ou calculée.

     Il était d'une autre envergure spirituelle, choisi par les membres des cinq Académies de l'Institut de France pour être leur représentant scientifique, face au monde entier de la connaissance et de la culture.

     C'est dommage de ne pas avoir évoqué l'essentiel de la personnalité de Pierre Messmer, surtout à Metz.

     M'honorant de son amitié, le Chancelier de l'Institut ne m'a jamais refusé sa présence physique lors des manifestations de l'Académie Nationale de Metz, durant les années de ma présidence.

     Je pense que nous lui devons bien plus que cette simple précision.....

jeudi 31 mars 2011

Poisson d'avril....

     C'est demain le 1r avril....Que de plaisanteries en perspective....

     Grâce à l'une d'elles, la Lorraine resta un état indépendant plus longtemps que ne le souhaita Richelieu.

     Nicolas-François de Lorraine, cardinal et évêque de Toul sans avoir été ordonné, frère du duc Charles IV, épousa sa cousine Claude, après s'être lui-même accordé une dispense.... Ainsi il empêcha Richelieu de donner à cette princesse, fille du duc Henri II, un époux français qui, au nom de sa femme, eût revendiqué la Lorraine.

     Il n'y avait pas de temps à perdre. Le mariage fut décidé, célébré et consommé en une seule journée, le 8 mars 1634. Le Pape, consulté, avait donné son accord.

     En apprenant la nouvelle, le maréchal de La Force, furieux d'avoir été dupé, fit arrêter les nouveaux époux et les enferma dans Nancy, occupée par les Français.

     Claude et Nicolas-François parvinrent à s'évader le 1r avril au soir, déguisés en paysans. Au détour d'une ruelle, une villageoise les reconnut malgré leur déguisement, et s'empressa d'alerter les soldats de la garde.

     Ceux-ci rirent à gorge déployée, croyant qu'on voulait leur faire un poisson d'avril. Plus la paysanne jurait qu'elle disait la vérité, moins on la prenait au sérieux.

     Lorsqu'on s'aperçut de la réalité de l'évasion, les fugitifs étaient loin.....

     J'ai moi-même participé à une galéjade du 1r avril, à l'époque durant laquelle sévissait la maladie de la vache folle. J'ai téléphoné à une amie directrice de musée, de la part des ministres de la Culture et de la Santé, lui demandant de bien vouloir retirer au plus vite des cimaises, toutes les toiles représentant des bovins,  et de les enfermer dans la réserve, par prudence sanitaire.

     Elle resta un moment silencieuse, se demandant sans doute si, en haut lieu, on n'était pas tombé sur la tête....

     Elle a fini par reconnaître le timbre de ma voix,..... et eut l'indulgence d'en rire....

mercredi 23 mars 2011

Comme Charpentier....

     Le mois dernier, le Théâtre de Metz  représentait "Lundi, monsieur vous serez riche", comédie musicale de Antoine Duhamel, oeuvre peu jouée, créée à Strasbourg en 1968.

     Je n'ai pu assister à ce spectacle, mais la musique de Antoine Duhamel m'est familière, entendue dans de nombreux films de Lecomte, Godard, Truffaut, Tavernier et d'autres (plus de 60 films).

     Elle cadre parfaitement aux différents synopsis, mais écoutée sans la projection des images, elle paraît insipide, monotone, dans une tonalité unique et persistante, sans aucune modulation originale.

     Comme il a été plusieurs fois récompensé pour l'intégralité de son oeuvre consacré à un écran, grand ou petit, j'ai souhaité connaître davantage Antoine Duhamel.

     J'ai alors découvert, au travers d'oeuvres non cinématographiques, un compositeur d'une grande inventivité et d'une richesse harmonique étonnante. Il écrit une musique savante moderne digne de son maître René Leibowitz, et demeure aussi discret que lui.

     Quel dommage qu'il ait consacré tout son temps au cinéma et que la part la plus passionnante de ses créations ne soit pas suffisamment connue.

     Il faut entendre "Le Tombeau de Philippe d'Orléans" pour cordes, "Le Jardin de Daubigny" pour instruments à vent, "Les Travaux d'Hercule" pour récitant, vents et percussion.

     Il faut écouter ses mélodies sur des textes de Michaux, ses concerti pour violon, alto, contrebasse et même vibraphone.

     Je ne puis oublier de citer "Gala de Cirque", comédie-ballet et la "Suite symphonique pour Intonation".

     Antoine Duhamel est donc venu à Metz, écouter la reprise de son opéra, et a semblé satisfait, voire enchanté.

     Gustave Charpentier, l'auteur de "Louise", se déplaçait, lui aussi, dans l'Europe entière, partout où se jouait son roman musical, comme il désignait cette oeuvre lyrique. L'ouvrage avait un tel succès, que Charpentier n'ayant plus le temps de rentrer chez lui entre deux voyages, dormait le plus souvent à l'Hôtel d'Orsay, proche de la gare.

     Hélas, cela ne peut arriver à Antoine Duhamel..... Dommage.....

mardi 15 mars 2011

La vocation... fortuite

     Dans ses Mémoires protéiformes" (inédits), Marcel Mercier évoque un vieux piano dans le restaurant de son père, à Metz, sur lequel il s'amusait souvent, étant jeune enfant, et qui serait à l'origine de sa vocation.

     Mon propre père, également restaurateur, mais à Nancy, a acheté, un jour, un violon dans une salle des ventes où il était entré par hasard.

     "Pourquoi cette acquisition ?" demanda ma mère -- je devais avoir 3 ou 4 ans.

     "Ce sera pour le petit .... plus tard."

     Il n'y a jamais eu un seul musicien dans ma famille de vignerons à Arry depuis le XVIIIe siècle, si ce n'est un grand-père qui conduisit, clairon aux lèvres, une éphémère fanfare entre les deux guerres.

     Lorsque j'atteignis l'âge requis pour commencer à apprendre la musique, ma mère s'adressa au professeur de cette discipline au Lycée Henri-Poincaré, Gaston Stoltz, lequel consentit à m'enseigner le violon, à condition que je sois inscrit à un cours de solfège au Conservatoire.

     Le violon de la salle des ventes étant bien trop grand pour ma taille, il fallut en acheter un plus petit.

     Comme Marcel Mercier, c'est ainsi que naquit ma vocation pour la musique, grâce au hasard.

     Au bout d'un an, j'entrai dans la classe d'alto au Conservatoire, où Gaston Stoltz me conduisit à un 1r prix, après plusieurs années d'études.

     "Et la percussion ?" demanderont ceux qui me connaissent...

     C'est une autre histoire....pour un autre jour....

    

samedi 26 février 2011

La mirabelle de Lorraine.....

     Le maire de Corny, Paul Goret, après avoir procédé à la reconstruction du village entièrement détruit au cours de la guerre de 1940-1944, pensa, en homme pratique et raisonnable, à redonner une vie intellectuelle à sa commune.

     Il commença en 1953, par faire revivre l'Harmonie municipale "Union", fort glorieuse avant l'occupation.

     Par le plus grand des hasards, c'est à moi qu'il confia cette mission.

     Presque tous les habitants ayant un enfant en âge d'apprendre la musique, acceptèrent d'acquérir un instrument. Le seul qui s'y refusa, hérita d'un vieil hélicon tout cabossé, retrouvé dans les ruines d'une grange effondrée.

     Cet honorable instrument ne s'entendait guère, le souffle du jeune et courageux néophyte, fuyant par les nombreux trous le long du tuyau, n'arrivait que très faiblement au pavillon.

     Pour les autres musiciens débutants, je me souviens leur avoir apporté leurs instruments le 1r février 1954 au soir, après les avoir chargés chez Dauge-Musique, dans ma 2 CV toute neuve, réceptionnée le matin même.

     Les jeunes instrumentistes firent de rapides progrès et bien vite furent en mesure de donner des concerts et de défiler en musique. Alors deux ou trois anciens "d'avant-guerre" vinrent les rejoindre.

     Parmi eux, M. Tillière jouait du trombone à pistons, instrument rare qui ne se pratiquait plus, remplacé depuis longtemps par le trombone à coulisse. Il était fier de son "antiquité", M. Tillière et le montrait volontiers à tous ceux qu'attirait une telle curiosité.

     Lors des défilés, les trombones occupaient le premier rang, et le chef de musique marchait à côté d'eux. J'étais donc constamment près de M. Tillière, lequel exhalait une forte odeur d'alcool de mirabelle chaque fois qu'il soufflait dans son embouchure.

     Naïvement, je pensais que M. Tillière, le dimanche, usait et peut-être abusait de ce noble breuvage, fierté de notre région, bien qu'il marchât droit.

     Un soir, après une répétition, M. Tillière, évoquant son passé de musicien dans l'ancienne harmonie de Corny, racontait comment il avait réussi à sauver son trombone tant aimé au cours de la déportation dont il fut victime. Il disait son attachement à ce vieil instrument qui lui procurait tant de plaisir, et comment il procédait pour le conserver en bon état.

     "Chaque dimanche matin, je nettoie entièrement l'intérieur des tuyaux avec de la mirabelle !"


     Contrairement à ma mauvaise pensée, M. Tillière n'abusait nullement de l'alcool, mais son trombone, pardon ! il était bien soigné...... et j'en profitais..... olfactivement... chaque dimanche!

dimanche 20 février 2011

De corrupti sermones emendatione....

     Le Salon du livre féminin à Hagondange, a été annoncé par mon quotidien, vendredi et ce matin. Une grande photo en milieu de page, et un article avec, c'est un comble, plusieurs fautes d'orthographe.

     Bien sûr, les écrivains (sans "e" malgré leur sexe), ne sont pas responsables de ces inexactitudes.

     Il est curieux de constater que de nombreux intermédiaires de masse, conscients ou non, s'arrogent orgueilleusement le droit de modifier notre langue.

     Je détermine souvent cette néfaste habitude du moment par de l'ingratitude, voire de la trahison envers une langue aussi riche que la nôtre, laquelle est le gagne-pain de ces irresponsables.

     Il existe des mots dont le genre peut être double, comme "amour", par exemple.

      Mais est-ce raisonnable de modifier le genre de certains mots sous des prétextes dont la fragilité n'a d'égale que l'irréflexion. Est-ce cela l'amour de la langue ?

     Quand cette fichue mode sera dépassée, ils auront l'air de quoi, nos apprentis sorciers, dont les horreurs orthographiques resteront imprimées à jamais ?

     Quel souvenir, autre que l'ironie, laisseront-ils ?

mercredi 9 février 2011

Mon premier concours....

     J'avais neuf ans je crois, lorsque j'entrai dans la classe d'alto de Gaston STOTZ au Conservatoire de Nancy. Depuis une année déjà, il m'enseignait le violon, tandis que je suivais le cours préparatoire de solfège de Mademoiselle GREUZAT.

     Mon instrument n'avait pas une très belle sonorité : c'était un violon 3/4 monté avec des cordes d'alto. Dieu merci, je ne gardai pas longtemps cet instrument hybride.

     Nous étions trois élèves en cours préparatoire, une fille, LABOUREL, dont j'ai oublié le prénom, et un garçon qui fut quelque temps mon meilleurs ami, Claude VIAN. Je les ai tous deux perdus de vue depuis des décennies.

     A cette époque, les concours de fin d'année scolaire se déroulaient en public pour tous les niveaux, et avaient lieu salle Poirel. Notre professeur avait composé une pièce spécialement pour nous.

     Je me souviens de mon angoisse, seul au milieu de la grande scène, en culottes courtes, devant une immense salle obscure.

     Nous avons tous les trois obtenu une 1re mention....( Je possède encore le diplôme.....)

     Le lendemain, dans L'Est Républicain, le critique musical Alain AMAN relatait longuement le concours d'alto, surtout les cours supérieurs, et terminait son article par cette phrase :

     ".... et on attend beaucoup de la petite Rose Gilbert."


     Avoir été pris pour une fille m'a terriblement vexé ....  et j'ai longtemps gardé rancune à l'auteur de cette méprise.

     Beaucoup plus tard, Alain AMAN est devenu mon ami.

     Alors on s'en est amusé.... c'était son premier article...

    

mercredi 2 février 2011

Bizet trahi... lui aussi !

     On redonne Carmen actuellement sur les théâtres de Metz et de Nancy... et toujours avec des incongruités irrespectueuses qui trahissent vulgairement et gratuitement l'esprit du compositeur.

     Evidemment, le public qui a accepté les transpositions extravagantes de la mise en scène ne comprendra pas mon billet d'aujourd'hui.

     Je le réserve donc à ceux qui révèrent les chefs-d'oeuvres lyriques et leurs auteurs géniaux.

     Mon évocation de ce jour se déroula à Metz ou à Nancy, en 1946 ou 1947, j'hésite... mais je suis certain de son authenticité, car j'étais présent.

     Au troisième acte de Carmen, le décor représente un paysage rocheux et sauvage , les contrebandiers, chargés de marchandises, s'arrêtent dans la nuit. A la fin du tableau, Micaëla vient chercher Don José pour le mener auprès de sa mère mourante.

     Celui-ci, amoureux de Carmen et jaloux d'Escamillo, la menace à deux reprise de revenir la surveiller. La seconde fois, déjà sur le point de partir, il descend vivement une petite pente et saisit Carmen en l'invectivant.

     Le ténor tenant le rôle de Don José ce jour-là était myope. Il n'avait pas, bien sûr, ses lunettes...

     Dans la pénombre, il se trompa de personne et attrapa brutalement par les épaules une choriste ayant une robe sensiblement de la même teinte que celle de Carmen, en chantant sa réplique : "Je te tiens !'

     La malheureuse, surprise par ce jeu de scène imprévu, chancelle et tombe sur ses genoux, tandis que la cigarière, éberluée, contemple la scène d'un air effaré, se demandant ce qu'elle devait faire.

     Heureusement, le ténor garda sa présence d'esprit et rejetant brutalement la choriste,-- laquelle entre temps s'était relevée et qui chuta pour la seconde fois,-- il agrippa Carmen in-extremis, avant la réplique suivante.

     Tout ce jeu de scène se déroula très vite et je pense que peu de spectateurs dans la salle s'en sont aperçus.

     Mais quand même, on a eu chaud.....

samedi 29 janvier 2011

La basilique Saint-Vincent de Metz

     Que va donc devenir la basilique Saint-Vincent abandonnée par le culte ?

     On en débat en ce moment dans les sphères municipales....(voir le RL du 25 janvier).

     Peut-être la musique y aura-t-elle à nouveau sa place.... comme au XIXe siècle, lorsque l'abbé Pierre était le servant de la paroisse ( ça ne s'invente pas).

     François Pierre, après avoir été vicaire à Thionville puis curé à Amanvillers, devint le célébrant de l'église Saint-Vincent en 1831. Il fut aumônier du lycée voisin et demeurait au 7 de la rue du Rempart-Belle-Isle. Plus tard, il devint chanoine à la cathédrale.

     L'abbé Pierre n'était pas seulement  un ecclésiastique, mais aussi compositeur de musique. Il a d'ailleurs enseigné l'harmonie et le piano à l'Ecole municipale de musique de la ville.

    Tous les offices bénéficiaient d'une large partie musicale, au cours desquels l'organiste Pierre-Nicolas dit Charles Bour s'en donnait à coeur joie en interprétant la musique de son curé et la sienne sur l'orgue construit de bric et de broc par plusieurs facteurs successifs et enfin terminé en 1847 par Antoine Sauvage.

     L'orchestre et les choeurs de l'Ecole de musique, dirigés par Victor Desvignes puis Edouard Mouzin, y célébraient toutes les fêtes, surtout celles de Sainte-Cécile ; depuis 1854, ils jouaient tous les ans la Messe solennelle éponyme de Ambroise Thomas. Cette année-là, ce furent 70 musiciens et 130 choristes qui emplirent la nef des brillantes envolées contrapuntiques du compositeur messin.

     Le fameux ténor de l'Opéra de Paris, Claude Marié, a chanté à Saint-Vincent, en 1838, lorsqu'il débutait sa carrière à Metz.

     Je n'aurais garde d'oublier les concerts plus récents auxquels j'ai participé avec l'Orchestre de Metz et la chorale de l'ALAM, sous la direction de Jacques Pernoo ou de Jean-Sébastien Bereaud.

     Reverrons-nous ces grands moments musicaux dans l'église devenue basilique Saint-Vincent ?

     Je le souhaite de tout coeur. Si mon voeux se réalise, je crains que ce ne soit sans moi.....

jeudi 20 janvier 2011

Un chef en colère....

     Demain soir à l'Arsenal de Metz, l'ONL, dirigé par Jacques Mercier, va rejouer la Symphonie Fantastique de Hector Berlioz. Ce chef-d'oeuvre romantique remporte toujours beaucoup de succès.

     Je me souviens d'une exécution que l'Orchestre de Metz a donnée à Trèves sous la direction de Jacques Pernoo. C'était le jeudi 29 septembre 1960, dans l'ancienne salle de concert au centre de la ville.

     La partie de cloches (sol et do), très importante dans le final, est aujourd'hui exécutée sur de véritables campaniles en bronze, fort lourdes, louées avec les partitions.

     Mais à cette époque, les orchestres ne disposaient que de cloches tubulaires pendues à un tréteau en bois. L'instrumentiste frappait les tubes d'une main à l'aide d'un marteau, tandis qu'il arrêtait le son avec l'autre main, en tirant sur une cordelette reliée à un étouffoir renforcé d'un feutre dur.

     Pour donner davantage d'éclat à cette partie fondamentale de l'oeuvre, le timbalier, responsable du pupitre de percussion, imagina de doubler les deux cloches (2 sol, 2 do). Les mains étant ainsi occupées, on avait lié l'étouffoir en position de résonance. Le résultat donna entière satisfaction au chef d'orchestre, l'instrument sonnant avec plus d'ampleur.

     Le jour du concert à Trèves, lorsque l'instrumentiste, jeune élève de la classe de percussion du conservatoire, frappa les premières notes, en soliste, sur un geste majestueux du chef, la ligature de l'étouffoir, sans doute fragilisée lors du transport, céda et celui-ci retomba sur les tubes......

     Stupéfait, le jeune néophyte resta paralysé, les deux marteaux levés, en entendant un bruit sourd de ferraille à la place de la sonorité brillante et harmonieuse qu'il attendait.

     Sans les cloches ce passage de la Fantastique n'a plus aucun sens, un silence insupportable remplaçant l'annonce solennelle du Dies Irae. Il fallut arrêter l'orchestre, réparer l'étouffoir et reprendre à cet endroit pour finir l'oeuvre. Le public murmurait et Pernoo était blême....

     A la fin du concert, escamoté par les musiciens prudents, le malheureux percussionniste disparut très vite... Mais le timbalier, responsable de cette riche idée, n'eut pas le temps de ranger ses baguettes.

     Pernoo le rattrapa et porta sur lui l'éclat de sa colère réfrénée durant la dernière page de la symphonie. Il reçut une volée de cris et autres vociférations plus sonores et moins harmonieux que de vraies cloches.
(c'est peut-être de là que vient l'expression : se faire sonner les cloches!)

     A ce moment, le violoncelle solo Gaston Renezé-Emery, dont une corde de son instrument s'était rompue à peu près au même moment que l'incident, passa innocemment à côté du groupe. En l'apercevant, Pernoo, au paroxysme de la fureur s'écria :
      "Vous!.... vous!.... je vous interdis de casser une corde!!!!!"


     Sénéque l'avait bien dit :"La colère est incapable de discerner le juste et le vrai".






  

mardi 18 janvier 2011

Un bicentenaire attendu...

     En cette année 2011, on célébrera un peu partout le second centenaire de la naissance de Franz Liszt.

     Peut-être qu'à Nancy et à Metz on se souviendra qu'il vint y dévoiler son prodigieux talent.

     Depuis leur duel pianistique de 1835, là où était passé Thalberg, Liszt ne pouvait manquer de se produire. Le premier ayant donné un concert à Metz le 4 juin 1845, son rival ne tarda guère à suivre son exemple.

     Revenant de Bonn où avait eu lieu l'inauguration du buste de Beethoven, pour lequel il avait si généreusement contribué par ses concerts, il se préparait à prendre ses fonctions de maître de chapelle à Weimar... quatre ans plus tard.

     Après s'être produit à Nancy, Liszt arriva à Metz pour deux concerts les 19 et 21 novembre 1845. Il joua d'abord un concerto de Weber, accompagné par la Société Philharmonique sous la direction de Victor Desvignes. Seul, il interpréta la Tarentelle de Rossini, une Mazurka de Chopin, la Polonaise extraite des Puritains de Bellini et des oeuvres de sa composition : Fantaisie sur des motifs de la Norma, Fête villageoise et Grand galop chromatique.


     Vous me croirez si vous le voulez, les Messins n'ont pas aimé !

     Le critique musical de L'Indépendant de la Moselle écrivit le lundi 24 novembre : "... il a étonné, beaucoup étonné, mais pas charmé". Il poursuivait : "Il a fait des choses prodigieuses ( tout de même !), admirables de dextérité ; mais est-ce donc de la dextérité que l'on demande à la musique ?"


     Ainsi, les effets acrobatiques et les traits fulgurants du pianiste hongrois ont déplu aux mélomanes de Metz qui restèrent "sous le coup d'une froide surprise" et n'ont ressenti "ni recueillement, ni enthousiasme, ni admiration".


     Dur, dur .... je crois que le public messin n'a pas compris que le virtuose qui  l'a désappointé venait de révolutionner la technique du piano, comme Beethoven l'avait déjà fait cinquante ans plus tôt. Habitués à des interprétations plus académiques, les Messins accueillaient régulièrement des pianistes comme Emile Prudent, fort connu de son vivant et dont l'oubli aujourd'hui est peut-être dû aux audaces de Liszt.

     N'empêche ! Le Maître s'en est souvenu, car il ne revint jamais jouer à Metz.

     Par contre, lorsqu'il passait dans la région, il ne manquait pas de rendre visite à Camille Durutte qu'il honorait de son estime et dont il approuvait les innovations harmoniques.

    

dimanche 9 janvier 2011

L'inconnu dans la maison...

     Ce matin, en l'église de Ancy-sur-Moselle, a été commémoré le quarantième anniversaire de la disparition de Raymond Mondon.

     C'était un ami de mon père, né à Arry. "La complicité du canton d'Ars....", avait-il coutume de dire...

     On connaît les actions de résistance de Raymond Mondon. Mon père n'était pas un résistant actif. Mais c'est chez lui, dans l'arrière salle du bar d'Alsace, à Nancy, que se réunissait régulièrement, après le couvre-feu, un groupement de farouches opposants à l'occupation, dont quelques membres du Groupe Mobile de Réserve de Nancy.

     Je me souviens que ces soirs-là, jeune garçon romantique, j'étais fébrile dans mon lit, imaginant des complots aventureux dans lesquels j'étais le héros.

     Un soir, je remarquai une effervescence inhabituelle au cours d'une de ces réunions. Le lendemain, ma mère me chargea de porter un plateau-repas à une personne se trouvant dans une chambre du dernier étage.

     L'homme que je rencontrai alors, un résistant recherché par la Gestapo, était Raymond Mondon. Emprisonné par les Allemands, il venait de s'évader.... Il resta deux jours et disparut... Lorsque je posais des questions à mes parents, ils me répondaient évasivement. Je savais seulement que je devais garder le secret, ce que je fis.

     Raymond Mondon était maire de Metz lorsque je fus engagé à l'orchestre de la ville en 1950. Alors, mon père me dévoila l'identité de l'inconnu de la maison, avenue de Strasbourg.

     Lors de nos rencontres, Raymond Mondon ne manquait jamais de me rappeler le jeune garçon innocent et timide qui venait le sustenter.

     Je ne suis pas né dans le canton d'Ars, mais il y avait tout de même une certaine complicité entre nous....

mercredi 5 janvier 2011

Un défilé patriotique...

     Je ne me souviens plus quel événement particulier nous avons fêté ce soir-là. C'était en été 1944... peut-être le débarquement...

     Les parents de Daniel, le flûtiste, étant absents, nous avons occupé la maison.... une bonne dizaine d'amis, élèves musiciens.

     Lorsque nous nous retrouvions ainsi, chacun apportait ce qu'il pouvait, surtout du liquide, car pour la nourriture,... c'était la restriction.

     D'abord, nous avons fait de la musique, laquelle, au fil du temps qui passait et des bouteilles qui se vidaient, devenait de plus en plus cacophonique.

     Qui en a eu l'idée ? je l'ignore. Mais vers deux heures du matin, nous avons décidé de défiler dans les rues de Nancy en jouant la marche militaire de Bentayoux, "Alsace-Lorraine", conduits par le trompettiste Guy Pierre...... sous l'occupation et le couvre-feu !

     Quel vacarme nous fîmes ! Quelques lumières commençaient à s'allumer derrière les vitres teintées et les volets clos.

     Ce qui devait arriver se produisit : une patrouille de police, prévenue, vint nous stopper net dans notre élan musico-patriotique. On nous emmena au poste, en face de la chapelle de notre lycée (Henri-Poincaré).

     On nous enferma dans plusieurs cellules, où nous continuâmes à jouer et brailler "vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine !" Les policiers, excédés et ne pouvant nous calmer, finirent par nous flanquer dehors, ... mais en gardant nos instruments, que nos parents récupérèrent le lendemain.

     Privés de notre moyen familier d'expression, peut-être un peu dégrisés, nous décidâmes de rentrer chacun chez soi.... assez fiers de nous.

     On a beaucoup parlé de cet événement le lendemain dans la ville, mais il n'y eu pas d'enquête de la part des occupants, les braves policiers nancéiens ayant minimisé l'aventure...

     Mais avec les parents -- je ne vous dis pas ! -- ce fut une autre affaire......

mardi 4 janvier 2011

Concert de Nouvel An

     Enfin on a joué du Waldteufel à Metz !

     Hélas, pas une de ses merveilleuses suites de valses (il en écrivit plus de 200), mais un galop, "Prestissimo", aussi rapide qu'éphémère. Cette pièce figurait au programme du concert de Nouvel An de l'ONL à l'Arsenal.

     Je suis surpris qu'en France on préfère toujours les Strauss viennois à ce talentueux compositeur. Ni Napoléon III, ni la reine Victoria ne se sont trompés à son sujet, en l'attachant à leur service.

     Son oeuvre la plus populaire est la valse "Espana", pâle copie de la rapsodie de son ami Chabrier, alors que "Amour et Printemps" et "Les Patineurs", pour ne citer qu'eux, sont de véritables chefs-d'oeuvre, aux mélodies élégantes et chatoyantes, dans un style purement français rappelant quelquefois la grâce de Gounod.

     C'est à l'orchestre du Lycée Henri-Poincaré de Nancy que je découvris ce compositeur inventif, Gaston Stoltz le programmant souvent.

     Contrairement à son père et ses oncles, Emile Waldteufel n'est jamais venu à Metz. Dommage, il aurait pu y rencontrer Antoine Freyberger, l'organiste de l'église Saint-Martin, lequel écrivit plusieurs suites de valses dans le même style que lui. L'une d'elle, "Souvenir de Hombourg", fut jouée à Montigny le 13 octobre 1995 par la talentueuse et regrettée pianiste Marianne Bellot.

     Peut-être Waldteufel sera-t-il à nouveau programmé l'an prochain ?

     Aurais-je la patience d'attendre .....?