Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

mardi 16 novembre 2010

Ma moustache.....

     (J'emploie le singulier car je ne suis pas marin et n'ai jamais manoeuvré de haubans.)

     On m'a quelquefois demandé pourquoi je portais la moustache. La raison est fort simple.

     Un jour du mois de mai 1946, Juliette LAIR, qui fut mon professeur de solfège au Conservatoire de Nancy, me fit appeler à son domicile. Elle était souffrante et ne pouvait se déplacer ; aussi me demanda-t-elle de bien vouloir assurer les cours qu'elle devait donner le jour-même à l'Ecole Normale de la Meurthe-et-Moselle.

     Après avoir bien écouté ses consignes, me voilà parti, fier comme Artaban, pour remplir la mission qu'elle m'avait confiée.

     En entrant dans la cour de l'établissement, je vis les normaliens, qui avaient pratiquement mon âge, se mettre en rang par deux sur plusieurs files. Eh oui, à cette époque les élèves étaient disciplinés, même à l'Ecole Normale.

     J'avançais vers les groupes lorsqu'un surveillant, s'adressant à moi, m'enjoignit énergiquement de rallier mes "camarades" déjà rangés. Timidement, je risquai une explication à ma présence, mais le maître des futurs maîtres réitéra son injonction avec davantage d'intensité dans la voix.

     On finit par se comprendre et le surveillant tourna les talons en maugréant, pour accompagner les groupes d'élèves-maîtres dans l'établissement.

     Je ne me souviens plus comment se sont déroulés mes cours, pourtant les premiers que j'assumais, mais  le jour-même, je décidai de laisser pousser ma moustache pour paraître plus âgé.

     Elle crût lentement, et, au mois de juin suivant, mois de la Foire sur le cours Léopold, le critique musical de L'Est Républicain Alain AMANT, rendant compte de la préparation des concours de fin d'année scolaire au Conservatoire, terminait ainsi son article :

     ".... loin de la cohue du Grand Huit et des autoscooters, l'altiste travaille ses coups d'archet, tout en surveillant la croissance de sa naissante moustache."

     Aujourd'hui, je me demande si raser ma moustache me ferait paraître plus jeune......

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