Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

mercredi 2 février 2011

Bizet trahi... lui aussi !

     On redonne Carmen actuellement sur les théâtres de Metz et de Nancy... et toujours avec des incongruités irrespectueuses qui trahissent vulgairement et gratuitement l'esprit du compositeur.

     Evidemment, le public qui a accepté les transpositions extravagantes de la mise en scène ne comprendra pas mon billet d'aujourd'hui.

     Je le réserve donc à ceux qui révèrent les chefs-d'oeuvres lyriques et leurs auteurs géniaux.

     Mon évocation de ce jour se déroula à Metz ou à Nancy, en 1946 ou 1947, j'hésite... mais je suis certain de son authenticité, car j'étais présent.

     Au troisième acte de Carmen, le décor représente un paysage rocheux et sauvage , les contrebandiers, chargés de marchandises, s'arrêtent dans la nuit. A la fin du tableau, Micaëla vient chercher Don José pour le mener auprès de sa mère mourante.

     Celui-ci, amoureux de Carmen et jaloux d'Escamillo, la menace à deux reprise de revenir la surveiller. La seconde fois, déjà sur le point de partir, il descend vivement une petite pente et saisit Carmen en l'invectivant.

     Le ténor tenant le rôle de Don José ce jour-là était myope. Il n'avait pas, bien sûr, ses lunettes...

     Dans la pénombre, il se trompa de personne et attrapa brutalement par les épaules une choriste ayant une robe sensiblement de la même teinte que celle de Carmen, en chantant sa réplique : "Je te tiens !'

     La malheureuse, surprise par ce jeu de scène imprévu, chancelle et tombe sur ses genoux, tandis que la cigarière, éberluée, contemple la scène d'un air effaré, se demandant ce qu'elle devait faire.

     Heureusement, le ténor garda sa présence d'esprit et rejetant brutalement la choriste,-- laquelle entre temps s'était relevée et qui chuta pour la seconde fois,-- il agrippa Carmen in-extremis, avant la réplique suivante.

     Tout ce jeu de scène se déroula très vite et je pense que peu de spectateurs dans la salle s'en sont aperçus.

     Mais quand même, on a eu chaud.....

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