Les jeunes gens d'aujourd'hui n'effectuent plus de service militaire. Ils ignorent ce qu'est un conscrit ; peut-être connaissent-ils celui de 1813... peut-être...
Lorsque j'ai été appelé sous les drapeaux, je n'avais plus l'âge d'être conscrit, ayant obtenu au préalable plusieurs années de sursis.
J'ai été affecté comme sous-chef à la musique du 2me régiment du génie. Le chef se nommait Charles Roose, excellent musicien. Il avait deux galons et un "o" de plus que moi. Le colonel avait coutume de dire que dans son régiment on voyait la vie en rose grâce à sa musique.
En général, les musiciens étaient dispensés des différents exercices comme le tir, la construction d'un pont ou la pose de mines. Mais j'étais intéressé par ces disciplines et je me rendais quelques fois au stand de tir ou à une conférence technique réservée aux officiers et sous-officiers.
Un jour, j'assistais -- au premier rang -- au démontage d'une mine anti-char, lorsqu'on me demanda au téléphone. Je sortis de la salle et me dirigeais vers le poste dans le bâtiment voisin, lorsque, dans mon dos, retentit une forte explosion.
On avait oublié de désamorcer la mine avant son démantèlement.... sept morts.... tous au premier rang !
C'est mon épouse qui m'avait ainsi sauvé la vie en m'appelant pour une raison que nous avons tous deux oubliée. Un ami psychiatre dirait que c'est un acte manqué.
Depuis, mes enfants et petits-enfants se réjouissent de connaître doublement la vie grâce à leur maman et mamie. Mon arrière petit-fils n'en a encore rien dit... il n'a que 18 mois.
Moralité : La vie ne tient souvent qu'à un (coup de) fil.
Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.
Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.
Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.
Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.
Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.
Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.
Gilbert Rose
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