Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

samedi 23 octobre 2010

Mon premier gain....

     Ce matin, le Républicain Lorrain annonçait le Mondial de la bière, se déroulant à Strasbourg. En Lorraine, il n'y a pratiquement plus de brasseries et la culture du houblon a disparu.

     Avant 1940, dans la campagne lorraine, on voyait de grands champs plantés de longs poteaux régulièrement espacés, autour desquels s'enroulait cette plante vivace et aromatique.

     Un jour, j'avais huit ans et je passais mes vacances à Dieulouard chez mes grands parents maternels, ma grand-mère m'emmena avec elle à la cueillette du houblon. Toutes les femmes du village participaient à cette activité qui consistait à prélever sur les tiges de la plante, souvent longues de plus de dix mètres, les cônes servant à donner un goût amer à la bière. Au préalable, ces tiges avaient été détachées des poteaux par les ouvriers du cultivateur.

     Chaque cueilleuse s'installait au milieu des plantes jonchant le sol, assise sur un petit tabouret, et remplissait un panier qu'elle allait ensuite déverser dans un grand sac. Pour chaque panier, elle recevait un ticket, bon pour une somme d'argent.

     Mon panier étant bien plus petit, je n'avais droit qu'à un demi ticket.

     A la fin de la journée, en échanges de leurs reçus, les cueilleuses étaient rétribuées pour leur labeur.

     Lorsque le cultivateur me glissa dans la main les quelques pièces que j'avais méritées, je me souviens d'un grand désarroi, voire bouleversement dans mon esprit : je venais de découvrir la loi économique de l'existence, travailler pour gagner de l'argent et vivre de ce travail.

     Oh, je n'avais eu que quelques centimes..., mais je les ai gardés longtemps malgré mon désir insatiable de friandises. Pensez ! mon premier gain !

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