Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

samedi 11 septembre 2010

Une tournée avec le Grand Orchestre

     Dans un précédent propos, j'ai évoqué le Petit Orchestre du Lycée Henri-Poincaré de Nancy, celui des moins de 13 ans. Il est normal que j'aborde à présent le Grand Orchestre que conduisait son fondateur Gaston STOLTZ, mon professeur au conservatoire. J'y ai effectué mes premiers roulements de timbales.

     Il n'y avait pas que des élèves dans cette importante formation. Certains professeurs et beaucoup d'anciens n'avaient pu se résoudre à abandonner les répétitions du dimanche matin et les merveilleux concerts donnés Salle Poirel. Je pense en particulier à M. ZIMMER, mon instituteur de 7me, 1er violon, MM. CHEVALIER, violoncelle et ESPIARD, contrebasse. Il y en avait d'autres....

     Nous les jeunes, avions une préférence pour les oeuvres avec choeur ; en effet, aux ténors et basses de notre lycée, se joignaient les soprani et alti venus du Lycée Jeanne-d'Arc, sous la direction de Mademoiselle FOURNIER. Eh oui, à ce moment les établissements scolaires n'étaient pas mixtes. L'amour du chant et l'attrait de l'autre sexe réunissaient une masse chorale qui atteignait parfois 200 exécutants.

     Le dernier déplacement que je fis avec l'Orchestre et la chorale du Lycée s'effectua à Lyon du 21 au 27 juillet 1949. En ce temps où il fallait cinq heures de train pour aller à Paris, on était loin d'imaginer le TGV. Partis de Nancy à 7 h.15, nous arrivâmes dans la capitale des Gaules à 18 h.28... même pas fatigués.

     Nous avons donné un concert sur podium place Bellecour et un gala au Grand Théâtre place de la Comédie. Cet établissement n'était pas celui d'aujourd'hui, dont l'intérieur fut restauré par l'architecte Jean NOUVEL en 1993, mais une salle plus ancienne datant du XIXe siècle. Le programme comportait la 9me Symphonie avec solistes et choeur, de Beethoven.

     Au début du concert, une surprise nous attendait. On amena sur scène, devant les musiciens, un large fauteuil confortable, puis un monsieur âgé et impotent vint s'y asseoir, aidé par deux personnes attentionnées.

     C'était le maire de Lyon, Edouard HERRIOT ( il avait 77 ans ), qui parla de Beethoven et de son oeuvre pendant plus d'une heure, sans aucune note, devant une salle attentive et un orchestre particulièrement intéressé. Edouard HERRIOT, curieusement oublié aujourd'hui, était un homme politique très connu et apprécié par beaucoup de Français à cette époque. Sénateur, député, plusieurs fois ministre, il a présidé à maintes reprises le Conseil des ministres et la Chambre des députés.

     Ce que l'on sait moins,c'est qu'il était agrégé de Lettres et que son premier poste de professeur s'effectua à l'Université de Nancy en 1894. Il a publié plusieurs livres sur la littérature, mais son amour de la musique l'a conduit à écrire une "Vie de Beethoven" éditée chez Gallimard en 1929. Cet ouvrage est un modèle de biographie que je vous invite à lire, si ce n'est déjà fait. Edouard HERRIOT fut élu à l'Académie Française en 1946.

     Inutile d'ajouter que, subjugués par les propos du maire, nous avons, ce soir là, fait un triomphe.

     Quelle modestie.......

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