Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

mardi 14 septembre 2010

Les Juifs et la musique à Metz au XVIIIe siècle

       Dans Le Républicain Lorrain de ce jour, on peut lire l'intéressante critique de Georges MASSON sur le concert donné à l'occasion des "Journées européennes de la Culture juive". Cet article évoque pour moi les manifestations musicales des Juifs de Metz lors d'événements importants, que j'ai décrits dans mon ouvrage "Metz et la musique au XVIIIe siècle", Editions Serpenoise, 1992.

     Par exemple, on peut lire dans "Journal de ce qui s'est fait pour la réception du Roy et pendant son séjour à Metz", manuscrit de Lacroix conservé aux Archives municipales  de la ville, que les Juifs de Metz, enthousiasmés par la présence de Louis XV en août 1744, construisirent une arche au travers de la rue qui leur était réservée : "Cette arche renfermait les joueurs d'instrumens, violons, basses, hautbois, bassons et cors de chasse qui se faisaient entendre alternativement avec les trompettes et les hautbois qui précédaient les premières troupes". "..... le Chantre principal qui était à cheval, après avoir entonné en Hébreu une prière pour la conservation de Sa Majesté à laquelle tous les Juifs répondaient de tems en tems, les musiciens ont chanté un Cantique aussi en langue hébraïque dans un goût singulier ; il était entremêlé de récitatifs, de choeurs, de ritournelles et autres airs, dans lesquels les Cors de chasse et trompettes entraient de moment à autre". 


     On trouve également dans les Annales de Baltus, que le 15 septembre 1751, à l'occasion de la naissance de Louis de Bourgogne, fils du Dauphin et petit-fils de Louis XV: "Les Juifs se rendent en cortège au Palais du Gouvernement où ils ont chanté en choeur des chansons hébraïques dans le goust italien, et plusieurs solo, dans lesquels le chantre arménien s'est distingué par des inflexions de voix et sons singuliers et mélodieux".


     Le 8 septembre 1775, le maréchal de Broglie, nouveau gouverneur, entrait à Metz. Les Affiches des Trois-Evêchés et de Lorraine du 14, annonçaient : "Les Juifs avaient fait construire devant leur synagogue, un Arc de triomphe aussi brillant que singulier. Au-dessus était un groupe de musiciens qui mêlaient le bruit de leur instrument aux acclamations des citoyens". 


     En novembre de la même année, le Parlement de Metz fut rétabli. Au milieu des réjouissances générales, "... les Juifs, que l'on tolère à Metz, crurent devoir se distinguer en cette occasion ; ils avaient fait construire une galerie qui traversait leur rue et où l'on avait placé une troupe de musiciens". (Les Affiches du 30 novembre 1775).

     A l'occasion de la naissance du dauphin Louis-Joseph en 1781, les Juifs firent exécuter un cantique hébraïque dans la synagogue, le 18 novembre. Ils firent de même en août 1783, lors de la visite à Metz de Monsieur, futur Louis XVIII. Les Affiches du 28 août donnent la description détaillée de ce cantique, composé "d'une ouverture en symphonie, récitatif, adagio, air affectuoso, récitatif crescendo, air andante, récitatif rinforzando, air allegramento, avec timbales et trompettes". Ouf !


      A la lecture des journaux et chroniques du XVIIIe siècle, on peut trouver beaucoup d'autres témoignages de la présence de la musique juive à Metz.

     Dans un autre propos, j'évoquerai des événements musicaux à la synagogue de Metz au XIXe siècle.
Ils furent florissants.....

  

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