Depuis le début de cet été, le Conseil Général de la Moselle présente, à la Maison de Robert Schuman, une exposition sur les hymnes des pays de l'Union Européenne. Quelques conférenciers se sont exprimés à plusieurs reprises. Je fus l'un d'eux et, bien sûr, mes propos portaient sur la musique des hymnes.
J'ai évoqué les différentes tonalités avec lesquelles est écrite La Marseillaise, selon qu'elle est jouée par un orchestre symphonique ou une harmonie. Dans le premier cas elle est en la majeur, dans le second, en sib majeur.
Le 7 décembre 1898, fut inaugurée la nouvelle salle de l'Opéra-Comique de Paris, par le Président de la République Félix Faure. Pour l'occasion, quelqu'un imagina de faire entendre La Marseillaise à l'entrée du Président dans sa loge, interprétée par l'orchestre de l'Opéra-Comique et l'harmonie de la Garde républicaine, réunis.
Personne n'avait pensé que ces deux formations jouaient notre hymne national à un demi-ton de différence. Mais ce n'est pas tout...
Les loges d'avant-scène de l'Opéra-Comique ont été conçues par l'architecte Bernier, comme des puits profonds auxquels on accède par cinq petites marches étroites et sans aucune rampe.
Albert Carré en avisa le Président qui descendit avec précaution. Mais lorsque le directeur se tourna vers Madame Faure pour la prévenir, il était trop tard ! La malheureuse, ayant avancé le pied vers la première marche, elle ne trouva que le vide et s'étala lourdement au fond de la loge, dans un ramassis de vêtements froissés.
Alors que les personnes présentes se précipitaient pour aider la présidente à terre, La Marseillaise retentit dans une cacophonie épouvantable. Tout le monde se mit au garde-à-vous, laissant la malheureuse Madame Faure, empêtrée dans ses jupes et gênée par son embonpoint, se relever toute seule...
Elle émergea vers la fin de l'hymne, le visage empourpré, la robe froissée, le chapeau de travers, avec néanmoins un faible sourire protocolaire sur les lèvres.
Ce fut, je crois, la dernière sortie officielle du couple présidentiel, car Félix Faure mourut deux mois plus tard, dans les conditions singulières que vous savez...
Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.
Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.
Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.
Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.
Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.
Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.
Gilbert Rose
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