Hier soir, sur Arte, j'ai écouté et admiré un remarquable harpiste. J'ai bien dit "un". On est habitué à ne voir derrière cet instrument éolien, que de "jeunes personnes", comme on disait jadis pour désigner des demoiselles. Si bien qu'aujourd'hui, entendre un homme s'exprimer sur une harpe nous semble extravagant.
Il se nomme Xavier de Maistre, est soliste au Philharmonique de Vienne, et joue divinement de son instrument.
Comme pour la profession des secrétaires, la gent féminine a investi celle des harpistes, alors que pour l'un et l'autre de ces états, au XIXe siècle, il n'y avait que des hommes.
L'un de ces harpistes du siècle avant-dernier, fort célèbre dans toute l'Europe, avait pris l'habitude de se produire à Metz entre 1849 et 1861. Il obtenait toujours un grand succès, surtout lorsqu'il jouait son oeuvre très populaire "La danse des Sylphes". Il s'agit de Félix Godefroy (1818-1897), également compositeur et de nationalité belge.
Moderne, il jouait sur une harpe chromatique.
Le 22 février 1856, dans le grand salon de l'Hôtel de Ville de Metz, tandis qu'il interprétait sa pièce orientale "Le réveil des Fées", l'horloge de la ville se fit entendre. D'habitude on stoppait le mécanisme lorsqu'il y avait concert...
Par un hasard extraordinaire, la cloche municipale était dans la tonalité du morceau. Godefroy alors, très habilement, adapta son tempo à celui de l'accompagnement inattendu.
Malheureusement, une modulation obligea le virtuose à interrompre son jeu pendant un court instant, pour éviter des frottements harmoniques trop cacophoniques. Tout cela au milieu des sourires de l'assistance.
Godefroy donna un second concert le 27 février, mais sans le carillon..... Dommage.....
Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.
Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.
Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.
Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.
Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.
Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.
Gilbert Rose
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