Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

mardi 21 juin 2011

La musique adoucit les moeurs......

     C'était au cours d'un concert de l'Orchestre du Conservatoire de Nancy, donné salle Poirel durant la saison 1948-49. J'étais au pupitre d'alto.

     Marcel Dautremer, le directeur, avait prévu pour ce jour-la, une séance entièrement consacrée à Jean-Sébastien Bach.

     La salle était comble, et le programme, fort alléchant, se terminait par la Toccata et fugue en ré mineur, oeuvre pour orgue, richement orchestrée par Léopold Stokowski. Cette pièce était très populaire en France, depuis la sortie, fin 1946, du film d'animation de Walt Disney, Fantasia.

     Auparavant, on devait interpréter la Cantate du Café, pour laquelle Marcel Dautremer avait conçu une nouvelle orchestration, peut-être trop chargée, avec force cuivres, imitant ainsi celle de Stokowski. L'oeuvre n'était pas de la même envergure que la Toccata, l'instrumentation originelle de Bach étant très légère (une flûte, cordes et basse continue).

     Une partie du public n'apprécia pas cette originalité et, après l'exécution, on entendit quelques sifflets mêlés aux applaudissements. Puis brusquement, une voix forte s'éleva de la salle :

     "Nous sommes venus ici entendre du Bach, pas du Dautremer !"

     L'homme qui proférait cette interpellation était debout à sa place au parterre, le visage cramoisi de colère.

     Alors, le fougueux et jeune chef d'orchestre descendit de son pupitre, gagna les coulisses, puis, laissant sa veste d'habit entre les mains d'un appariteur, emprunta le déambulatoire. Il entra dans la salle, rejoignit le perturbateur imprudent, et le saisissant par derrière, une main au col l'autre à la ceinture, le sortit littéralement du parterre en le poussant énergiquement vers la sortie, jusque sur le trottoir de la rue Poirel !

     Ensuite, apparemment calmé, Marcel Dautremer remonta sur son estrade après avoir remis sa veste, sous une salve d'applaudissements comme je n'en avais encore jamais entendus en ce lieu.

     La Toccata qui suivit fut un triomphe...   Il y eut même un bis...

     J'ai ouï dire, car je n'étais plus présent, que les autres concerts de la saison eurent beaucoup de succès..... et qu'une place restait curieusement inoccupée.......au parterre.

  

  

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