Il est fort triste lorsqu'une manifestation populaire ne peut se dérouler normalement parce qu'il pleut. Hier, il s'en est fallu de peu que les sociétés musicales ne puissent défiler lors de la Fête de la Mirabelle à Metz. L'événement n'est pas rare sous notre climat lorrain, changeant et capricieux.
Ainsi, lors du concours d'orphéons qui s'est déroulé à Metz à l'occasion de l'Exposition universelle de 1861, on peut lire dans Le Courrier de la Moselle du mardi 4 juin 1861 : "La promenade aux flambeaux de samedi soir, bien que contrariée par une pluie battante, a suivi son itinéraire et son programme avec la rigueur d'une retraite militaire". Quel courage.....
Ce ne fut pas le cas le dimanche 29 juillet 1866 à Devant-les-Ponts (aujourd'hui quartier de Metz). Ce jour-là, l'orphéon local avait organisé une grande fête musicale dans le parc de la propriété du baron DUFOUR, ancien maire et membre de l'Académie Nationale de Metz, décédé en 1842.
Outre la formation organisatrice, participaient à cette journée l'Orphéon et la Sainte-Cécile de Metz pour la partie vocale, et la musique du 8me régiment d'artillerie pour l'élément instrumental. Le temps était plus que maussade et la pluie intermittente.
Valeureux, les musiciens du 8me entamèrent l'ouverture de La Muette de Portici de Auber et durent l'interrompre devant une ondée plus forte que les autres. Une éclaircie permit d'entendre chanter Le Départ des chasseurs de Mendelssohn. Puis la pluie redoubla de violence. Alors on décida de "sauter par dessus le programme" et d'attaquer le dernier morceau, une fantaisie sur Faust de Gounod, avec tous les participants, musiciens et chanteurs.
Ce fut sous une pluie torrentielle, avec des couacs et des clapotis chez les premiers, des chuintements et des gargouillis chez les seconds, que cette oeuvre expira progressivement au fur et à mesure de la fuite des exécutants, pour s'éteindre complètement sous les ricanements de Méphisto.
Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.
Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.
Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.
Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.
Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.
Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.
Gilbert Rose
lundi 30 août 2010
samedi 28 août 2010
Les musiciens marins ?
Dans le Républicain Lorrain du 27 août, je lis en page 2 du 2d feuillet, que Jacques MERCIER, directeur de l'Orchestre National de Lorraine, est à la tête d'une "armada" de musiciens !
Ces derniers seraient-ils devenus matelots et leur chef amiral ?
Je sais que dans cette profession il faut savoir "nager", mais la trompette marine a disparu depuis bien longtemps et ses cordes n'étaient pas assez longues pour servir à l'amarrage.
Ah... si le rédacteur de cet article avait vécu en 1844, il aurait peut-être raison. En effet, on peut lire dans L'Austrasie de cette année-la, que la Société Philharmonique (l'orchestre de Metz à cette époque), donnait des concerts sur l'eau de la Moselle : "De charmantes barques, illuminées de lanternes de couleur, transportent, des rives de la Moselle à une autre, les philharmonistes qui exécutent avec un ensemble remarquable leur attrayant répertoire".
Je me demande si, malgré l'article du Républicain Lorrain, les musiciens d'aujourd'hui auraient le courage de leurs prédécesseurs du XIXe siècle........
Ces derniers seraient-ils devenus matelots et leur chef amiral ?
Je sais que dans cette profession il faut savoir "nager", mais la trompette marine a disparu depuis bien longtemps et ses cordes n'étaient pas assez longues pour servir à l'amarrage.
Ah... si le rédacteur de cet article avait vécu en 1844, il aurait peut-être raison. En effet, on peut lire dans L'Austrasie de cette année-la, que la Société Philharmonique (l'orchestre de Metz à cette époque), donnait des concerts sur l'eau de la Moselle : "De charmantes barques, illuminées de lanternes de couleur, transportent, des rives de la Moselle à une autre, les philharmonistes qui exécutent avec un ensemble remarquable leur attrayant répertoire".
Je me demande si, malgré l'article du Républicain Lorrain, les musiciens d'aujourd'hui auraient le courage de leurs prédécesseurs du XIXe siècle........
vendredi 27 août 2010
Vive l'opérette !
Dernièrement, j'ai pris connaissance du programme de la saison lyrique au théâtre de Metz, pour l'année 2010-2011, que l'on peut trouver à l'Office du Tourisme.
Je me suis alors souvenu de la première saison que j'effectuai en partie à Metz, partageant également mon temps, à ce moment de mon existence, entre Nancy et Paris.
Du 11 octobre 1949 au 3 avril 1950, pas moins de 63 représentations lyriques se déroulèrent sur la scène messine. Neuf opéras seulement, mais quinze opérettes (ou opéras-comiques), données plusieurs fois chacune.
Si Albert EHRMANN dirigeait les opéras, c'était le chef de choeur, Marcel RACOEUR, qui conduisait les autres spectacles, avec un solide métier et une oreille à toute épreuve. En fin de carrière, plus très jeune et de petite taille, il avait bourlingué dans tous les théâtres de province. Dans ses pérégrinations, il était déjà en poste à Metz en 1924, et je l'ai retrouvé par hasard en 1937 à Nantes, engagé au théâtre Graslin.
A Metz, son rôle (ses rôles !) était ingrat et pourtant nécessaire......
Son occupation principale consistait à la préparation des choristes pour chaque ouvrage. Or, à cette époque, ceux-ci étaient des chanteurs amateurs ayant une activité professionnelle dans la journée. Ne pouvant se libérer qu'après leur travail, RACOEUR leur consacrait donc toutes ses soirées. Comme il était libre dans la journée, on lui confia la fonction de maître de chant, laquelle consiste à apprendre leurs rôles aux artistes, individuellement, et à faire répéter les ensembles. Lorsque la distribution était chargée, il se passait souvent de déjeuner....
Quelquefois, au cours d'une répétition générale, lorsque les choeurs étaient hésitants ou malhabiles, EHRMANN, stoppant l'action, hurlait de la fosse : "Racoeur !!!". Ce dernier, sortant des coulisses, avançait sur le plateau, humble, un peu voûté, et recevait les remontrances (un mot plus trivial conviendrait mieux) du chef avec un sourire contrit, écartant à plusieurs reprises ses bras du corps d'un air d'impuissance. Puis on reprenait le déroulement de la répétition.....
Je crois que Marcel RACOEUR est décédé à Metz, mais je n'en suis pas certain. C'est un personnage de mes débuts dont je me souviens avec émotion.
Je me suis alors souvenu de la première saison que j'effectuai en partie à Metz, partageant également mon temps, à ce moment de mon existence, entre Nancy et Paris.
Du 11 octobre 1949 au 3 avril 1950, pas moins de 63 représentations lyriques se déroulèrent sur la scène messine. Neuf opéras seulement, mais quinze opérettes (ou opéras-comiques), données plusieurs fois chacune.
Si Albert EHRMANN dirigeait les opéras, c'était le chef de choeur, Marcel RACOEUR, qui conduisait les autres spectacles, avec un solide métier et une oreille à toute épreuve. En fin de carrière, plus très jeune et de petite taille, il avait bourlingué dans tous les théâtres de province. Dans ses pérégrinations, il était déjà en poste à Metz en 1924, et je l'ai retrouvé par hasard en 1937 à Nantes, engagé au théâtre Graslin.
A Metz, son rôle (ses rôles !) était ingrat et pourtant nécessaire......
Son occupation principale consistait à la préparation des choristes pour chaque ouvrage. Or, à cette époque, ceux-ci étaient des chanteurs amateurs ayant une activité professionnelle dans la journée. Ne pouvant se libérer qu'après leur travail, RACOEUR leur consacrait donc toutes ses soirées. Comme il était libre dans la journée, on lui confia la fonction de maître de chant, laquelle consiste à apprendre leurs rôles aux artistes, individuellement, et à faire répéter les ensembles. Lorsque la distribution était chargée, il se passait souvent de déjeuner....
Quelquefois, au cours d'une répétition générale, lorsque les choeurs étaient hésitants ou malhabiles, EHRMANN, stoppant l'action, hurlait de la fosse : "Racoeur !!!". Ce dernier, sortant des coulisses, avançait sur le plateau, humble, un peu voûté, et recevait les remontrances (un mot plus trivial conviendrait mieux) du chef avec un sourire contrit, écartant à plusieurs reprises ses bras du corps d'un air d'impuissance. Puis on reprenait le déroulement de la répétition.....
Je crois que Marcel RACOEUR est décédé à Metz, mais je n'en suis pas certain. C'est un personnage de mes débuts dont je me souviens avec émotion.
jeudi 19 août 2010
Premiers séjours à Metz
C'est durant l'été de 1948 que je vins à Metz pour la première fois. J'étais engagé pour jouer la partie de timbales à l'Orchestre municipal de la ville à l'occasion de plusieurs concerts estivaux, remplaçant le titulaire du poste, indisponible, Marcel MERCIER. Ces concerts se déroulaient dans la cour du Marché couvert, puis dans celle du Palais de Justice.
On fit à nouveau appel à mes services pour jouer dans La Walkyrie, opéra de Wagner représenté au Théâtre municipal le jeudi 24 mars 1949.
En arrivant à la gare, elle me parut immense, comparée à celle de Nancy, ma ville natale. Par contre, le théâtre me sembla écrasé à côté de celui de la place Stanislas. J'apprendrai vite à apprécier et aimer cet ancien bâtiment destiné à l'art musical (voir ma communication "Un nouveau théâtre à Metz" dans Mémoires de l'Académie Nationale de Metz 1999).
Dans la fosse d'orchestre, de dimension plus restreinte qu'aujourd'hui, les pupitres étaient serrés les uns contre les autres et les musiciens, très disciplinés, avaient beaucoup de mérite de jouer dans de telles conditions. On avait placé les timbales dans la loge de l'administrateur, ce qui me donnait davantage d'aisance que mes collègues.
J'ai oublié la distribution. Mais le chef d'orchestre était extraordinaire. Il se nommait Albert EHRMANN, et était l'artisan, avec le directeur du Conservatoire Henri GRAEBERT et le maire de la ville Gabriel HOCQUARD, de la création d'un orchestre municipal en 1946.
Albert EHRMANN était professeur de flûte au Conservatoire depuis 1919. Musicien exceptionnel, il s'était proposé pour diriger les ouvrages lyriques au théâtre, afin de faire l'économie d'un poste de chef d'orchestre. Les conseillers municipaux lui en furent reconnaissants et acceptèrent plus volontiers la création d'un orchestre de musiciens professionnels dans lequel les professeurs du Conservatoire étaient solistes.
Albert EHRMANN, défenseur énergique de la profession, dirigea le Syndicat des artistes-musiciens de la Moselle, et veilla avec célérité à l'amélioration de leur situation. Il partit en retraite en 1952 et devint le président de la Confédération des Sociétés musicales de France.
Aujourd'hui, il figure parmi les "oubliés" de la Ville de Metz, qui contribuèrent, dans des domaines variés, à la réputation de la cité. J'en citerai d'autres.......
On fit à nouveau appel à mes services pour jouer dans La Walkyrie, opéra de Wagner représenté au Théâtre municipal le jeudi 24 mars 1949.
En arrivant à la gare, elle me parut immense, comparée à celle de Nancy, ma ville natale. Par contre, le théâtre me sembla écrasé à côté de celui de la place Stanislas. J'apprendrai vite à apprécier et aimer cet ancien bâtiment destiné à l'art musical (voir ma communication "Un nouveau théâtre à Metz" dans Mémoires de l'Académie Nationale de Metz 1999).
Dans la fosse d'orchestre, de dimension plus restreinte qu'aujourd'hui, les pupitres étaient serrés les uns contre les autres et les musiciens, très disciplinés, avaient beaucoup de mérite de jouer dans de telles conditions. On avait placé les timbales dans la loge de l'administrateur, ce qui me donnait davantage d'aisance que mes collègues.
J'ai oublié la distribution. Mais le chef d'orchestre était extraordinaire. Il se nommait Albert EHRMANN, et était l'artisan, avec le directeur du Conservatoire Henri GRAEBERT et le maire de la ville Gabriel HOCQUARD, de la création d'un orchestre municipal en 1946.
Albert EHRMANN était professeur de flûte au Conservatoire depuis 1919. Musicien exceptionnel, il s'était proposé pour diriger les ouvrages lyriques au théâtre, afin de faire l'économie d'un poste de chef d'orchestre. Les conseillers municipaux lui en furent reconnaissants et acceptèrent plus volontiers la création d'un orchestre de musiciens professionnels dans lequel les professeurs du Conservatoire étaient solistes.
Albert EHRMANN, défenseur énergique de la profession, dirigea le Syndicat des artistes-musiciens de la Moselle, et veilla avec célérité à l'amélioration de leur situation. Il partit en retraite en 1952 et devint le président de la Confédération des Sociétés musicales de France.
Aujourd'hui, il figure parmi les "oubliés" de la Ville de Metz, qui contribuèrent, dans des domaines variés, à la réputation de la cité. J'en citerai d'autres.......
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