La semaine dernière s'est déroulé au Caveau des Trinitaires de Metz, le Festival des musiques lycéennes. Au cours de cette manifestation, se sont fait entendre (le mot n'est pas de trop !), plusieurs groupes de musiciens déchaînés à extérioriser de leurs instruments les décibels les plus intenses, au moyen de sons bruyants et laids.
J'ai alors plaint les malheureux professeurs d'éducation musicale qui ne parvenaient pas, tels des capitaines dépassés par la tempête, à canaliser le trop plein d'énergies sauvages et primitives issues de cerveaux tourmentés et irréfléchis.
Et puis hier, j'ai lu dans le Républicain Lorrain, que le véritable concert des Lycées allait se dérouler à la fin du mois de mars, avec un programme plus sensé, plus culturel, même s'il reste révolutionnaire. Alors je demande pardon aux professeurs que j'avais si mal jugés.
Il paraît que l'organisation de ce concert existe depuis 22 ans à Metz.
Pourtant c'est bien le jeudi 14 avril 1870 qu'eut lieu le premier concert du Lycée de Metz, dont la critique parut dans Le Messin du dimanche suivant :
"Pendant plus de deux heures, un grand nombre de morceaux de violon, de violoncelle et de piano, ont été exécutés par les élèves qui s'en sont acquittés avec une expression parfaite, un rythme excellent, une grande finesse d'exécution. Entre tous, on a particulièrement applaudi les jeunes : Duréault, Dimanche, Durget, Levy, Durasey, Joubert, etc... qui se sont comportés en véritables artistes".
Les professeurs étaient Morhange, Pinon, Priou et Pierné, père de Gabriel, qui dirigeait la chorale du Lycée.
Le succès fut tel, que le proviseur organisa un second concert le 23 juin, avec un programme entièrement renouvelé.
Il fallait le faire ! ... Bravo les lycéens !...
Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.
Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.
Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.
Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.
Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.
Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.
Gilbert Rose
dimanche 17 mars 2013
mercredi 13 mars 2013
Tempête de neige et musique (suite)
Ainsi que je l'ai dit dans mon précédent billet, il neigeait très fort sur Metz, le dimanche 13 mars 1870, comme aujourd'hui dans le nord du pays.
Gavarni, le critique musical du Messin, avait promis de se rendre à Montigny, pour assister au concert donné par la Société Philharmonique des Ateliers du Chemin de fer.
Il pestait contre la tempête de neige qui le retardait dans sa marche et risquait de lui faire manquer le spectacle. Il arriva enfin, mouillé, essoufflé et put entendre les artistes qui s'y sont produits.
Dans son article du dimanche suivant, Le Messin ne paraissant qu'une fois par semaine, il vanta les mérites de l'harmonie qui exécuta Martha, Le Bouquet de valses et Le Rendez-vous de chasse, "car depuis le dernier concert, de grands progrès ont été obtenus et nous en félicitons vivement MM. Kerne et Lalevée, ainsi que les élèves parmi lesquels nous avons entendu quelques bons solistes."
Gavarni cite Mlle Agathe Bouchez, 1r prix de piano à l'École de musique de Metz, qui joua une fantaisie sur Le Trouvère et participa à un quatuor dont l'auteur n'a pas été cité, avec Morhange, violon, Pop, alto et Pruvot, violoncelle, tous trois musiciens au théâtre de Metz.
Les louanges de Gavarni allèrent aussi aux chœurs, conduits par Chevillon et Levasseur. "Aussi bien pour La Saint-Hubert, moins de chance pour Le Chant des travailleurs, mais que voulez-vous ! La Retraite et Les Buveurs ayant déjà passé par ces gosiers généreux, la mæstria du chant final s'en est trouvée quelque peu diminuée."
Heureuse époque où, pour la musique, on bravait les intempéries...
Gavarni, le critique musical du Messin, avait promis de se rendre à Montigny, pour assister au concert donné par la Société Philharmonique des Ateliers du Chemin de fer.
Il pestait contre la tempête de neige qui le retardait dans sa marche et risquait de lui faire manquer le spectacle. Il arriva enfin, mouillé, essoufflé et put entendre les artistes qui s'y sont produits.
Dans son article du dimanche suivant, Le Messin ne paraissant qu'une fois par semaine, il vanta les mérites de l'harmonie qui exécuta Martha, Le Bouquet de valses et Le Rendez-vous de chasse, "car depuis le dernier concert, de grands progrès ont été obtenus et nous en félicitons vivement MM. Kerne et Lalevée, ainsi que les élèves parmi lesquels nous avons entendu quelques bons solistes."
Gavarni cite Mlle Agathe Bouchez, 1r prix de piano à l'École de musique de Metz, qui joua une fantaisie sur Le Trouvère et participa à un quatuor dont l'auteur n'a pas été cité, avec Morhange, violon, Pop, alto et Pruvot, violoncelle, tous trois musiciens au théâtre de Metz.
Les louanges de Gavarni allèrent aussi aux chœurs, conduits par Chevillon et Levasseur. "Aussi bien pour La Saint-Hubert, moins de chance pour Le Chant des travailleurs, mais que voulez-vous ! La Retraite et Les Buveurs ayant déjà passé par ces gosiers généreux, la mæstria du chant final s'en est trouvée quelque peu diminuée."
Heureuse époque où, pour la musique, on bravait les intempéries...
vendredi 1 mars 2013
Quand les cheminots font de la musique...
Il est sérieusement question, actuellement, de la disparition des Ateliers-SNCF de Montigny-lès-Metz, présents dans la cité depuis au moins 160 années, et qui ont contribué à l'envol de la population.
En 1868, le directeur des Ateliers, M. Dietz, autorisa au sein de la Compagnie, la création d'une fanfare, placée sous la direction de Auguste Kern, ajusteur. Ce dernier avait appris à jouer de la clarinette à l'École de musique de Metz, dans la classe de Nicolas Casse.
Les musiciens donnèrent leur premier concert le dimanche 22 novembre, dans le vaste atelier de peinture, avec un programme composé de valses, polkas, quadrilles, et même la cavatine de Hernani, jouée au piston par Guermer.
L'année suivante, au concert du 14 mars 1869, il y avait 1 500 personnes pour écouter la musique dans l'atelier de peinture. En plus de la fanfare, un orphéon était né, qui a exécuté les chœurs difficiles des Chasseurs du Freischütz et des Soldats de Faust, sous la direction de Chevillon.
Enfin, pour le concert du dimanche 13 mars 1870, la modeste fanfare s'était transformée en harmonie, sous le nom de Société Philharmonique des Ateliers du Chemin de fer.
Pendant qu'au dehors une tempête de neige recouvrait les rues, les musiciens et les chanteurs développèrent un riche programme, témoin de leurs progrès rapides.
A la fin du concert, la couche de neige était tellement épaisse, que le directeur mit gracieusement un train à la disposition des auditeurs, afin de les ramener à Metz.
La guerre et l'annexion qui suivit stoppa net l'élan des cheminots-musiciens des Ateliers de Montigny, car tous les ouvriers furent rapatriés "en France".
Dommage... ils étaient si bien lancés...
En 1868, le directeur des Ateliers, M. Dietz, autorisa au sein de la Compagnie, la création d'une fanfare, placée sous la direction de Auguste Kern, ajusteur. Ce dernier avait appris à jouer de la clarinette à l'École de musique de Metz, dans la classe de Nicolas Casse.
Les musiciens donnèrent leur premier concert le dimanche 22 novembre, dans le vaste atelier de peinture, avec un programme composé de valses, polkas, quadrilles, et même la cavatine de Hernani, jouée au piston par Guermer.
L'année suivante, au concert du 14 mars 1869, il y avait 1 500 personnes pour écouter la musique dans l'atelier de peinture. En plus de la fanfare, un orphéon était né, qui a exécuté les chœurs difficiles des Chasseurs du Freischütz et des Soldats de Faust, sous la direction de Chevillon.
Enfin, pour le concert du dimanche 13 mars 1870, la modeste fanfare s'était transformée en harmonie, sous le nom de Société Philharmonique des Ateliers du Chemin de fer.
Pendant qu'au dehors une tempête de neige recouvrait les rues, les musiciens et les chanteurs développèrent un riche programme, témoin de leurs progrès rapides.
A la fin du concert, la couche de neige était tellement épaisse, que le directeur mit gracieusement un train à la disposition des auditeurs, afin de les ramener à Metz.
La guerre et l'annexion qui suivit stoppa net l'élan des cheminots-musiciens des Ateliers de Montigny, car tous les ouvriers furent rapatriés "en France".
Dommage... ils étaient si bien lancés...
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