Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

jeudi 30 mai 2013

La viole d'amour

     Je ne puis avec certitude indiquer l'année exacte... Peut-être 1946... 47 ?

     Avec Claude Viant, condisciple de la classe d'alto de Gaston Stoltz au Conservatoire de Nancy, nous étions descendus dans la cave de cette école, dont la porte habituellement fermée, était ce jour-la entrouverte.

     La curiosité seule avait guidé nos pas, car c'était un lieu que nous ne connaissions absolument pas. Ce sous-sol était assez vaste et particulièrement sale. Nous terminions notre visite, lorsque soudain, je remarquai, derrière un énorme tas de charbon, un vieil étui d'instrument, recouvert de poussière.

     Notre envie de savoir nous fit ouvrir cette boite noire en bois, et nous découvrîmes un curieux instrument ressemblant vaguement à un alto, plus grand pourtant, et d'une forme bizarre. En effet, plus épais et plus long, il possédait une large touche, des ouïes allongées, quatorze chevilles, et, à la place de la volute, une tête de femme aux yeux bandés.

     Vite, nous remontâmes de la cave, emportant notre trouvaille, pressés d'aller la montrer à notre professeur. Celui-ci, étonné, nous apprit le nom de cet instrument, une viole d'amour, et nous avoua sa disparition depuis plusieurs années et ses vaines recherches.

     Gaston Stoltz nous proposa de nous l'enseigner. Claude se récusa, mais je fus très intéressé par l'intention de notre professeur.

     Et c'est ainsi que j' appris à jouer de ce merveilleux instrument grâce auquel, plus tard, je donnai une multitude de concerts, en France et à l' étranger, avec l'ensemble Les Instruments Anciens de Lorraine (2 violes d'amour, viole de gambe, clavecin), aujourd'hui disparu.

     Quand je pense que Voltaire a dit qu'il n'y a point de hasard...

    

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