Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

samedi 10 mai 2014

Le 18 mai, cent unième anniversaire de Charles Trénet

     Afin de bien marquer sa nomination de directeur du Théâtre de Metz pour la saison 1939-1940, Charles Coste, ancien trial, programma un spectacle de variétés en avant saison, le 12 septembre 1939. Pour cela il engagea le célèbre orchestre de jazz de Fred Adison et la grande vedette de la Radio, le fou chantant Charles Trénet. Ce fut d'ailleurs la seule réalisation de Coste à Metz, puisque la saison lyrique n'eut pas lieu.

     Un seul quotidien messin annonça ce spectacle qui se déroula au théâtre dans une relative indifférence. En effet, dès le 2 septembre, les événements dramatiques que l'on connaît étaient relatés chaque jour dans la presse : l'invasion de la Pologne, la mobilisation générale, la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne, l'évacuation progressive d'une partie de la population.

     Le Républicain Lorrain, ne semblant pas approuver un pareil spectacle en une telle période, n'en parla pas. Par contre, ce journal développait dans ses colonnes la résistance courageuse des Polonais, l'avance hésitante des troupes françaises au-delà du Rhin, l'attitude que devait adopter la population en cas d'attaque, ainsi que d'autres informations locales plus importantes, pour la direction du quotidien, que cette soirée peut-être inopportune.

     Les interprètes furent brillants mais la salle partiellement occupée, malgré le succès foudroyant que remportait à cette époque Charles Trénet. La tension intense qui régnait sur la ville en fut sans doute la cause.

     Le spectacle avait été monté à l'initiative de Maurice Chevalier, dont l'orchestre de Fred Adison était l'accompagnateur favori. Ils revenaient d'ailleurs d'une tournée commune aux Etats-Unis. Ne souhaitant pas venir à Metz pour ce concert du 12 septembre, Maurice Chevalier conseilla à Fred Adison d'engager Charles Trénet qu'il connaissait bien. En effet, ce dernier avait écrit pour lui une chanson qui remporta un franc succès Y-a d'la Joie !

     Refusé plus tard à l'Académie Française, Charles Trénet fut élu, en 1999, membre de l'Académie des Beaux-Arts, au fauteuil numéro 8 de la section des compositeurs de musique, nouvellement créé.

     Il aurait pu siéger aux côtés de Marcel Landowski, Daniel-Lesur, Serge Nigg, Marius Constant et Iannis Xenakis. Mais, refusant d'acquérir le coûteux habit vert indispensable pour les membres de l'Institut, il ne fut jamais reçu officiellement sous la coupole... Dommage...

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