Arrivé à un certain âge, je m'aperçois que j'ai connu et vécu des événements qui sont, pour la plupart, aujourd'hui oubliés. Nous ne sommes plus très nombreux dans ce cas.

Musicien et historien de la musique en Lorraine, une grande partie de mon existence fut consacrée à la recherche et à la diffusion des événements musicaux des XVIIe et XVIIIe siècles à Metz et à Nancy. Pour cela, j'ai utilisé les très rares témoignages laissés par des observateurs attentifs, et publié les résultats de mes travaux.

Un éditeur avisé et courageux n'a pas hésité à imprimer, sous ma signature, plusieurs ouvrages, dont certains font aujourd'hui référence. Des périodiques culturels lorrains ont voulu également dévoiler mes trouvailles et mes souvenirs.

Aujourd'hui, crise oblige, l'histoire musicale en Lorraine n'intéresse plus les éditeurs, et, lorsqu'une revue me demande un article, je ne puis y inclure mes souvenirs personnels, pourtant devenus rares.

Voilà pourquoi j'ai souhaité créer ce lien entre un chercheur octogénaire et des curieux de l'histoire de la musique en Lorraine. Vous trouverez, racontés ici, des événements musicaux dont je fus le témoin de 1945 à aujourd'hui, mais aussi les résultats de mes dernières recherches sur les XVIIIe et XIXe siècles.

Mes textes étant protégés, je demande aux personnes souhaitant les utiliser, de bien vouloir citer leur auteur.

Gilbert Rose

dimanche 27 mai 2012

Un homme admirable...

     La semaine passée, mêlé à une foule innombrable, j'étais à l'église Saint-Pierre de Nancy, afin de rendre un dernier et douloureux hommage à Alain Larcan.

     Pour ses obsèques il avait souhaité une messe en latin selon la forme traditionnelle de la liturgie de l'Eglise catholique. Durant la célébration, je me suis souvenu de l'époque -- combien lointaine -- au cours de laquelle lui et moi servions les messes de l'abbé Constantin dans la chapelle du Lycée Henri Poincaré. Nous étions en 6me...

     Alain avait une année de moins que moi et nous étions dans la même classe. Plus tard, il sauta à nouveau la 4me, prouvant ainsi sa supériorité intellectuelle.

     J'ai constamment en mémoire le souvenir de l'attitude préférée d'Alain durant les récréations : alors que nous jouions dans la cour, il était assis sur le muret du cloître, toujours au même endroit, adossé à un pilier, un livre ouvert sur les genoux.

     Alain était un élève modèle, 1er en toute matière, même en musique. Il jouait d'ailleurs du violoncelle à l'orchestre du Lycée que j'ai quelques fois évoqué dans mes billets, au même pupitre que Claude Huriet.

     Pendant que je suivais une filière musicale, Alain fut le plus jeune agrégé de France en médecine, devenant le célèbre professeur reconnu par tous ses pairs, enseignant à l'Université de Nancy, chercheur prodigieux et infatigable. Il fut à l'origine du Samu, permettant ainsi le sauvetage de milliers de vies...

     Nous nous étions retrouvés avec plaisir à l'Académie de Stanislas ; à chacune de nos séances, il intervenait, quelque soit le sujet traité, avec une pertinence admirable, apportant souvent des arguments auxquels le conférencier n'avait pas songé. Son érudition était prodigieuse.

     A ses confrères il accordait une amitié cordiale et bienveillante.

     Son sourire discret, aimable et prévenant nous manquera désormais...